GAZA-PALESTINE : de crime en crime... une limite franchie ?
Michèle Sibony
publié le mardi 30 décembre 2008.
29 décembre 2008
Déshumaniser pour pouvoir frapper :
Le retrait unilatéral de Gaza en septembre 2005 achève de nier à tout responsable politique palestinien le statut de partenaire de négociation, d’ôter à toute la population de Gaza le droit de rappeler qu’elle a vécu 38 ans d’enfer avec l’occupation militaire et de dépossession par les 8000 colons, et cela bien avant que le Hamas ne soit élu. ( Rappelons nous du sort tragique réservé au très laïque chef historique palestinien Yasser Arafat, emprisonné dans la Muqata’a jusqu’à sa très suspecte maladie mortelle.)
Janvier 2006 les élections législatives reconnues exemplaires par tous les observateurs internationaux donnent la majorité au Hamas. Juillet août 2006, l’opération « pluie d’été » soigneusement calée sur l’invasion du Libanpermet de frapper pendant des semaines une population désarmée à l’ombre de la guerre qui occupe les écrans internationaux.
Parallèlement, depuis 2001 le gouvernement néo conservateur américain inspire l’U.E. Son idéologie gagne l’Europe et l ’association islam = terrorisme s’y impose progressivement. Les notions de résistance nationale sont gommées par la mondialisation version étasunienne : en Irak, au Liban en Palestine, les peuples menacés envahis sont devenus des peuples terroristes. Sharon a su très tôt profiter de cette opportunité mondiale, et se placer avec sa politique dans le « camp du bien » avec l’occident, au service de l’Occident même, en lutte contre « l’axe du mal ».
Nos principaux grands media sont devenus les valets de la pire des propagande de guerre ils entérinent jour après jour l’effacement de l’occupation de la colonisation et du découpage de la Cisjordanie peuplée aujourd’hui de 450 000 colons, et du siège infâme de Gaza. Ce soir devant la tente de protestation place de la fontaine des innocents un des slogans crié par la foule était : « Medias montrez la vérité ! » On se souvient d ’un autre cri de rage lors d’une autre occupation : Radio Paris ment Radio Paris est allemand.
En Israël consensus et propagande :
Le gouvernement israélien avec l’aide de ses media met le paquet sur la société civile israélienne qu’il fait vivre artificiellement dans une véritable atmosphère de guerre de survie : « Un demi million d’israéliens sous le feu » titrait dimanche le Yedioth Ahronoth – comme si la bande de Gaza n’était pas soumise à un long siège qui a détruit pour toute une génération les chances d’une vie qui vaille la peine d’être vécue. » écrit Tom Seguev dans le Haaretz 29 décembre. Des centres d’urgence psy et de prise en charge des victimes du sud sont ouverts, on parle de transférer dans le nord la population du sud, comme on l’avait fait avec les populations du Nord vers le Sud pendant la dernière invasion du Liban. Comme s’il y avait une commune mesure entre la puissance et la fréquence des tirs du Hezbollah avec celles du Hamas. Je me souviens de l’été dernier, un ami israélien revenant d’une visite à ses amis près de Tseelim Kibboutz voisin la bande de Gaza et qui racontait ébahi comment toute la famille se baignait dans la piscine et entendait en même temps les bombardements sur Gaza. J’ai passé en février dernier quelques jours de vacances dans le sud d’Israël avec des amis, et le beau temps aidant nous y avons cotoyé de très nombreux touristes israéliens qui ne semblaient pas plus terrorisés que nous par les Kassams. L’atmosphère de la rue confirmée par les dernières statistiques est celle d’un consensus féroce, 83% de la population soutiendrait l’attaque meurtrière, pour sa propre protection. Le vieux consensus forgé depuis toutes les guerres : nous sommes les victimes nous devons nous défendre, auquel se rajoute le sentiment que cette fois ce ne sera pas comme en 2006 l’échec, mais que l’ on peut gagner... et pour cause. Les Palestiniens d’Israël eux, révoltés par le massacre protestent tous les jours dans leurs villes et villages et dans les grandes villes avec les anticolonialistes israéliens. Très surveillés par la police et l’armée qui procède à des arrestations de plus en plus nombreuses. Pour eux c’est aussi l’heure de vérité : jusqu’à quand les discriminations de plus en plus grandes et à présent inscrites dans les lois, jusqu’à quand la citoyenneté de seconde zone dans un Etat juif où ils sont tolérés et sous contrôle renforcé, considérés chez eux comme l’ennemi de l’intérieur. La stratégie du pire : Il faut tout de même se poser la question du but recherché par le gouvernement israélien au delà des intérêts électoraux de cette campagne, qui d’ailleurs pourrait s’avérer peu rentable pour Livni et Barak et finalement profiter à Netanyaou -on ne fait pas une politique de droite mieux que la droite elle même après tout. Qu’attendent donc les dirigeants israéliens de l’opération « Plomb fondu », que le Hamas se rende à l’armée, quitte Gaza, renonce au résultat de ses élections, et permette à l’AP de reprendre les rênes ? Et après ? Cela avancerait-il des négociations de paix ? Pour le croire il faudrait que l’on ait pu enregistrer un quelconque progrès des négociations rencontres entre Abbas et Olmert depuis 13 mois. Un check point a -t-il été levé en Cisjordanie ? Une colonie démantelée ? Une promesse tenue sur Jérusalem ? Le point mort absolu, pire, la colonisation se poursuit, l’annexion de Jérusalem se parachève.
Transformer la résistance palestinienne à l’occupant en guerre civile inter palestinienne telle a été jusqu’ici la stratégie israélienne de ces dernières années et elle a fonctionné. Pendant des mois on a vu la police palestinienne formée par le général Dayton faire la chasse aux militants du Hamas, tout récemment regarder le pogrom de Hébron, les bras croisés, expliquant qu’elle n’est pas habilitée à intervenir contre les colons (comprendre qu’elle n’est habilitée qu’à frapper les militants Hamas). Mahmoud Abbas a même commencé par déclarer l’attaque israélienne sur Gaza justifiée, comme il avait précédemment encouragé Barak à durcir le siège pour faire plier Hamas. Cependant la violence exercée sur Gaza et dans les TOP pourrait se renverser la situation et mettre en échec cette stratégie : Les Palestiniens pourraient fort se ressouder devant l’adversité et retrouver l’union nationale qui reste leur principal atout. C’est ce que la rue palestinienne exprime en ce moment même de toutes ses forces et partout.
Le monde arabo musulman bouillonne de colère contre cette agression et la complicité ou la lâcheté de ses propres dirigeants. En Europe la brutalité sans limite israélienne n’échappe pas aux opinions qui se méfient de leurs médias aussi bien que de leurs dirigeants actuels à leur propre égard. Chaque citoyen et habitant des quartiers populaires, attaqué et affaibli dans sa vie quotidienne, et dans ses droits, par des discriminations sociales grandissantes organisées par ses gouvernements associés dans l’UE, apprend à ses dépends à faire la différence entre ce qu’il vit et ce qu’on lui raconte, et ce que vivent les hommes ailleurs et la version officielle. La mondialisation a aussi son versant populaire . La politique israélienne fondée sur la force brutale et la négation des droits fondamentaux des Palestiniens ne peut trouver écho dans nos cités et nos quartiers. Elle y éveille comme dans le monde arabo-musulman une immense colère. La seule chance de survie d’une population juive dans le Moyen Orient de demain passerait donc paradoxalement par l’imposition des normes du droit international à l’Etat voyou qui les viole toutes aujourd’hui. Et si la communauté internationale ne parvenait pas très rapidement à imposer par des sanctions sévères le retour d’Israël à la raison, dans le rang des Etats de droit, elle ne pourrait qu’assister impuissante à un véritable déferlement de haine sur sa population et par extension sur les juifs du monde pris en otage de cette politique depuis des années maintenant. Les anticolonialistes israéliens, quelques milliers qui tentent désespérément de faire entendre raison dans leur société, appellent aujourd’hui à l’intervention internationale pour que cesse la folle escalade de la violence israélienne.
Michèle Sibony.
Libellés : droit de l'homme, France, gaza, guerre, Israel, paix, palestine, Terrorism