dimanche, décembre 17, 2006

La montée de l'ultranationalisme en Europe

CHRISTINE FAUVET-MYCIA.
Publié le 11 décembre 2006


Se nourrissant du malaise des sociétés européennes, les ultranationalistes contribuent à la radicalisation des discours politiques et sapent les fondements mêmes d'une communauté qui, en douze ans, sera passée de quinze à vingt-sept membres.

D'OUEST EN EST, leurs slogans se répondent. « Notre peuple d'abord », clame le Vlaams Belang flamand, « Pour une Slovénie ethniquement pure », tempête l'Alliance slovène, « Rendons la Bulgarie aux Bulgares », martèle Ataka à Sofia, « Nous, nous choisissons la Pologne », répète à l'envi la Ligue des familles polonaises. Les formations ultranationalistes s'installent dans le paysage européen. Elles consolident leurs assises locales ; elles participent au gouvernement, en Pologne et en Slovaquie aujourd'hui, en Autriche, aux Pays-Bas ou en Italie, hier ; leur leader dispute le second tour de l'élection présidentielle, en Bulgarie avec Volen Siderov en 2006, en France avec Jean-Marie Le Pen en 2002. Et quand bien même elles ne participent pas au pouvoir, n'entrent pas dans les parlements nationaux, leurs discours peu à peu gagnent du terrain, contribuent à la radicalisation du message politique. Droite et gauche sacrifient au populisme, cèdent à la peur de l'autre, au moment où l'Union européenne, élargie dans un mois à vingt-sept États avec la Bulgarie et la Roumanie, peine à redéfinir son projet, à sortir de l'ornière dans laquelle elle s'est embourbée après les « non » français et néerlandais au projet de traité constitutionnel.

Même si leur origine, leurs spécificités, leur terrain de prédilection varient d'un pays à l'autre, les ultranationalistes se retrouvent sur un certain nombre de revendications : le retour à un État fort, aux traditions et à un certain ordre moral ; la démission des élites immanquablement corrompues ; l'exclusion de « l'étranger » ; le recours à la préférence nationale et la remise en cause de l'Union européenne, présentée ici ou là comme une nouvelle puissance « colonisatrice », avide de « pillages » et « dépravée ». L'expression de la xénophobie et du racisme trouve de plus en plus de hérauts qui font fi de tabous vieux d'un demi-siècle. Le British National Party stigmatise les immigrants, « ces parasites criminels qui menacent la culture des Britanniques blancs et la chasteté de leurs femmes ». Les nationalistes slovaques appellent à la « stérilisation » des Tsiganes ; et leurs homologues roumains de Romania Mare, à leur « liquidation ». Les extrémistes hongrois soumettent à la vindicte populaire une liste de personnalités politiques présentées comme juives, tandis que le leader néerlandais du PvdV annonce un « tsunami de l'islamisation » qui submergera le pays et aura raison de son identité.

Cannibaliser un partenaire encombrant

Pour contrecarrer la résurgence de ces extrémismes, gauche et droite usent de stratégies diverses. Ce peut être des actions en justice pour parvenir à l'interdiction d'un parti ouvertement raciste ou à la mise à l'écart de ses porte-voix : en Belgique, le Vlaams Blok, condamné pour racisme en 2004, se rebaptise Vlaams Belang. Ce peut être un mode de scrutin majoritaire, uninominal à un tour en Grande-Bretagne, uninominal à deux tours en France, qui écarte les extrêmes de la représentation nationale. Avec la proportionnelle, le Front national de Jean-Marie Le Pen, qui au premier tour des législatives de 2002 a recueilli 11,3 % des suffrages, aurait pu obtenir une soixantaine de députés. Ce peut être la passation d'accords entre partis opposés pour éviter que l'apport d'une formation extrême soit indispensable à la constitution d'une majorité de gouvernement. Ce peut être aussi, le partage du pouvoir avec l'espoir d'« apprivoiser », voire de cannibaliser un partenaire encombrant.

Nouée en Autriche en février 2000, l'alliance entre les conservateurs de Wolfgang Schüssel et le FPö de Jörg Haider a fait frémir d'indignation l'UE. Mais elle n'a plus provoqué de mise en quarantaine quand elle a réuni, en Italie, les libéraux de Silvio Berlusconi et la Ligue du Nord, et pas davantage quand les frères Kaczyinski en Pologne ont offert des maroquins à la Ligue des familles polonaises ou quand les socialistes slovaques ont fait entrer dans leur gouvernement les nationalistes du SNS. Aux uns et aux autres, le président de la Commission de Bruxelles, José Manuel Barroso a simplement tenu à rappeler, sans publicité excessive, que l'appartenance à l'Union européenne signifie le partage d'un certain nombre de valeurs et d'acquis au nombre desquels ne figure pas le rétablissement de la peine de mort, par exemple. Le Parlement européen adoptait, lui, une résolution pour manifester sa « grande préoccupation » face à « la montée de l'intolérance raciste, xénophobe, antisémite et homophobe en Pologne », tandis que l'Internationale socialiste fermait ses portes au parti « social-démocrate » slovaque (Smer), allié aux nationalistes du SNS.

Ce national-populisme prospère d'autant mieux que le doute sur le système politique et sur les bienfaits de la démocratie s'ancre dans les esprits, renforcé, comme le note Nadège Ragaru, chercheur au CNRS, par cette « succession d'élections avec alternance, mais sans alternative perçue comme réelle ». Selon deux études récentes publiées en Allemagne où l'extrême droite, sous la bannière du NPD (parti national démocrate) ou de son allié le DVU (Union du peuple allemand) compte désormais des élus dans trois des six parlements régionaux de l'ancienne RDA, seuls 32 % des habitants de l'ancienne Allemagne de l'Est se disent satisfaits du fonctionnement de la démocratie. Et ils ne sont pas plus de 38 % à considérer la démocratie comme la meilleure forme de gestion des affaires publiques. Cette perte de confiance se traduit à la fois dans les scores obtenus par les partis nationalistes et xénophobes et par les taux d'abstention de plus en plus élevés. Ils ont atteint 47,9 % au premier tour de l'élection présidentielle bulgare en octobre dernier. Ils étaient à peine moins élevés - 47 % - aux élections locales hongroises, le même mois.

Alternance sans alternative réelle

Comme dans d'autres États de l'Union, ces partis de l'extrême nationalisme obtiennent leurs suffrages auprès de ceux qui se sentent les perdants d'une transition menée à vive allure. « Après tout, la démocratie, l'Europe, l'économie de marché et l'Otan ne constituent pas une réponse aux problèmes du chômage et de la pauvreté, à l'État faible et corrompu, aux injustices et aux pathologies qui accompagnent la transformation », remarque, dans les colonnes de Gazeta Wyborcza, le politologue Aleksander Smolar, pour expliquer le succès des ultranationalistes en Pologne. Et ailleurs. Les ultranationalistes recueillent aussi des voix parmi les mieux nantis qui ne s'alarment pas moins du coût de solidarités nouvelles dans une Union aux frontières toujours repoussées. Si ce courant venait à s'étendre, il saperait pour de bon les bases mêmes d'une communauté européenne qui fêtera l'année prochaine le 50e anniversaire de son traité fondateur, le traité de Rome.

liens
http://www.lefigaro.fr/international/20061211.FIG000000235_
la_montee_de_l_ultranationalisme_en_europe.html

Pour ceux qui ne savent pas :
Un récent sondage, TNS Sofres pour Le Monde-RTL révèle la montée en puissance du Front-Νational. Un quart des français (26%) se disent « plutôt d'accord » ou « tout à fait » en hausse de deux points par rapport à l'année précédente, alors que le nombre de personnes étant « plutôt » ou « tout à fait » en désaccord avec lui baisse lui aussi (-3% à 70%). Le nombre de personnes étant « complètement en désaccord » avec les idées frontistes s'effondre de cinq points pour s'établir à 34%. Ces niveaux sont les plus favorables enregistrés pour Jean-Marie le Pen depuis mai 2002, voire les années 80.

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