kelpolitique: Diplomatie française au Moyen-Orient : bientôt le grand virage ?

mercredi 6 décembre 2006 , proposé par Milton Dassier

Désinformation autour d’une phrase assez anodine

"Nous nous inspirons de toutes les formes de résistance contre les occupants, y compris les méthodes utilisées par la Résistance contre les nazis".

D’après l’ambassade de France à Beyrouth, ceci est la fameuse phrase prononcée par un député du Hezbollah en présence de Ségolène Royal, phrase qui fait tant scandale dans la presse française. Le plus drôle est que la phrase a été condamnée et commentée avant même d’avoir été rapportée. Comme souvent, on a donc caqueté, aboyé et barri sur du vent !

La candidate socialiste n’avait pas réagi sur le coup car, comme vous pouvez le constater, c’est plutôt un compliment pour la résistance française de 1940-45 (et donc pour la France d’aujourd’hui qui en est l’héritière), de voir ses méthodes reprises par un député membre d’un groupe de résistance au Liban. Seulement, la presse a exploité et déformé les propos du député en disant que ses propos avaient comparé Israël au régime nazi.

Moi, ça me rappelle ce qui s’était dit sur Dieudonné après son sketch fin 2003 sur FR3. Lui aussi, on l’accusait d’avoir comparé Israël au régime nazi alors qu’il caricaturait un colon israélien en fasciste version sioniste...

Ségo, Sarko et Israël : vers le début d’une vassalisation idéologique ?

Est-ce cette polémique de basse-cour qui a poussé Ségolène à adopter des positions favorables à la politique israélienne actuelle lors de sa visite en Israël deux jour après et de déclarer que si des propos assimilant Israël au régime nazi avaient bien été prononcés, elle aurait quitté la salle ?

On peut regretter qu’une fois de plus, la presse française ait cédé aux organisations de propagande prosioniste. Et on assistera certainement bientôt à une surenchère entre Sarkozy et Royal pour se montrer plus sioniste que l’autre. Déjà le CRIF félicite Ségolène Royal pour ses positions, prenant au dépourvu les ténors de la droite française qui se croyaient les chouchous de Cuckierman.. Notre agité de la menotte d’acier, Master Nicolas a d’ailleurs déjà invité dans son donjon de la place Beauveau, la charmante ministre israélienne des affaires étrangères. Petit mais entreprenant et réactif...

S. Royal approuve même le mur de séparation qui va enclaver plus de 100.000 palestiniens en Israël avec les terres de Cisjordanie les plus fertiles. Elle dit comprendre les survols agressifs de l’aviation isrélienne des positions françaises de la FINUL regrettant seulement leur nombre. Est-ce à dire que si l’armée israélienne attaquait encore une fois le Liban, Ségolène Royal, présidente de la république, déciderait que les soldats français s’abstiennent de toute action y compris défensive ?

A ce petit jeu de la folle enchère, on peut s’attendre à ce que Sarkozy propose bientôt que la France fournisse gratuitement le béton nécessaire pour le mur et des CRS du 9-3 triés sur le volet pour faire taire les protestataires...Peut-être demandera-t-il aux soldats français de la FINUL de rejoindre les rangs de Tsss..a..hal (ça m’enrhume !) au lieu de braquer leurs lance-missiles sur ses avions ?

S. Royal se prononce pour l’interdiction du nucléaire civil en Iran alors qu’aucune loi internationale ne le permet. Ce serait même une remise en cause grave du traîté de non-prolifération nucléaire ! Est-ce que cela veut dire que, Ségolène Royale, présidente de la république, irait à l’ONU pour proposer une résolution dans ce sens ? En tous cas, ravis, les dirigeants israéliens boivent du petit lait et se sont bien abstenus de le lui dire..

Vive le sionisme : Mitterrand et De Gaulle au rencart !

Nous attendions des idées innovantes et originales de la part de la candidate du PS et nous n’avons eu qu’une pâle copie de ce que propose Nicolas Sarkozy, pourtant classé comme très favorable au sionisme puisqu’il avait défendu l’invasion de l’armée israélienne au Liban en août 2006. En fait, Ségolène a tenu un discours plat sur la nécessité de faire la paix, d’envisager la reprise du dialogue avec les palestiniens et du droit à la sécurité d’Israël. Elle est restée bien silencieuse sur le droit à la sécurité du peuple palestinien mais ça, on en a l’habitude de la part des politiciens occidentaux depuis quelques années.

Si j’étais palestinien, comme je serais déçu..

..Mais j’en ai tant vu déjà dans le style trahison. En tous cas, je ne verrais plus en la future France de 2007 qu’un pays hostile à mon peuple, bien loin du pays qui avait sauvé la vie à Arafat en 1982 et en 1983 (1) ou, par la voix de son président J. Chirac, avait envoyé paître les dirigeants israéliens qui voulaient l’empêcher de se déplacer librement à Jerusalem (2) .

Ce type d’initiative qui a donné à la France l’image d’une nation dont la politique étrangère n’est pas alignée servilement sur celle des USA mais comporte quelques spécificités héritées du gaullisme, appartient désormais au passé.

La gauche réformiste tout comme la droite, a adopté une position politique médiocre et conformiste en reprenant à son compte et en veillant juste à les travestir avec de bons sentiments, les doctrines mises au point par Bush et Sharon, parfaitement dans la ligne de Bush père, Clinton, Netanyaou et Shimon Peres : faire gagner coûte que coûte Israël même si les moyens utilisés pour parvenir à cette victoire implique la violence, le terrorisme d’état, les assassinats, les bombardements, la spoliation, l’apartheid, la dépendance et la misère du peuple palestinien vis-à-vis d’Israël, devenu en quelques petites décennies un état colonial comme le laissait déjà entendre avec cynisme un responsable israélien lors de la signature des accords de Camp David II durant l’an 2000. (3)

Que cela soit dit et redit, la Cisjordanie et Gaza ne peuvent constituer un état palestinien en l’état actuel de la colonisation qui concerne plus de 50% de la Cisjordanie ce qui a abouti à son morcellement inéluctable. Tout au plus, seront-elles des bantoustans à la manière de ceux que l’Afrique du Sud avait imposés aux Zoulous du temps de l’apartheid.

Si j’étais libanais, je serais très inquiet tout à coup...

Le Liban n’est pas en reste. Sous pression militaire israélienne au sud et syrienne au nord et à l’est, il lui est difficile de faire entendre sa voix et d’affirmer sa souveraineté. On cherche par tous les moyens à en faire une seconde tête de pont occidentale anti-syrienne et surtout anti-iranienne aux côtés d’Israël. Le raisonnement étant le suivant : si le Liban tombe entre les mains du Hezbollah alors la révolution théocratique islamiste iranienne sera aux portes de l’Europe et Israël se retrouvera avec un pistolet sur la tempe, un pistolet qu’on pense nucléaire en plus. Alors, à une menace impérialiste supposée possible, on propose au Liban une domination impérialiste occidentale préventive.

Tous ceux qui ne sont pas d’accord avec ces intentions impérialistes sont classés immédiatement comme pro-syriens donc comme anti-libanais alors qu’il s’agit le plus souvent de gens aimant leur pays avec sincérité et qui viennent de payer un lourd tribut pour le défendre avec conviction et abnégation, il y a 5 mois à peine.

Il aura suffi qu’un député libanais déclare qu’il admire la résistance française et s’en inspire pour vouloir protéger son pays pour qu’on affirme là qu’il a prononcé des paroles scandaleuses et outrageantes pour de chastes oreilles occidentales.

Rendez-vous compte, même invoquer l’héroïsme de la résistance française pour se battre contre les soldats israéliens qui envahissent votre pays peut suffire à vous faire classer comme antisémite.

Gageons qu’une bonne partie des 5 millions de musulmans de France saura apprécier à quelle sauce on compte manger leurs coreligionnaires palestiniens et libanais et en tirer les conclusions électorales qui vont de soi.

(1) grâce à une opération des « commandos-marine » et un sous-marin, F.Mitterrand avait fait exfiltrer le leader palestinien de Beyrouth où il était en danger de mort, jusqu’à Tunis en 1982 puis une nouvelle fois en 1983 en protégeant sa fuîte et celle de 4000 combattants palestiniens assiégés par les syriens à Tripoli au Liban.

(2) le fameux « " Je commence à en avoir assez ! What do you want ? Do you want me to take my plane, to go back to my country, to go back to France ! ? Is that what you want ? This is provocation ! that is provocation ! This is not a method ! Please, stop now ! " » prononcé lorsqu’on avait voulu empêcher le président français de serrer la main de palestiniens dans les rues de Jerusalem en novembre 1996.

(3) Schlomo Ben Ami, homme politique israélien, affirmait que les objectifs des accords d’Oslo puis de Camp David 2 en 2000 était d’établir une dépendance néocoloniale permanente pour les palestiniens. Cité dans le livre de Noam Chomsky « sauver le monde ou dominer la planète » 2004