Chien de garde de l’Europe?
Aurélie Caudron
« C’était une explosion humaine », déclare un photographe. Ce jeudi 29 septembre, à l’aube, plus de 1 200 immigrés se sont jetés sur le double grillage hérissé de barbelés qui cerne Melilla, enclave espagnole sur les côtes marocaines. Grâce à des échelles de fortune, quelques centaines d’entre eux ont réussi à passer, mais les blessés sont tout aussi nombreux et six personnes ont été tuées. Or, ce genre d’assaut devient de plus en plus courant.
Le Maroc s’avère un passage presque obligé pour tout Africain désirant atteindre l’Europe. Seuls 11 kilomètres séparent les côtes espagnoles des côtes marocaines. De plus, au niveau des enclaves de Ceuta et Melilla, c’est une simple frontière terrestre qui sépare l’Afrique de l’Espagne. Cependant, les candidats à l’immigration ne devraient pas se laisser flouer par ce mirage géographique. Suite aux accords de coopération avec l’Europe, le Maroc fait tout pour réprimer l’immigration illégale. Ce pays de tous les espoirs devient donc pour beaucoup un cul-de-sac.
Dépassé par les événements
Les ressortissants africains sont de plus en plus nombreux à fuir leur pays. Après une traversée périlleuse du Sahara, ils se heurtent au cordon sanitaire mis en place par le Maroc. Cette politique de barrage n’est pas sans conséquence pour le pays. « C’est la première fois que le Maroc assiste à une telle vague d’immigration. Le Maroc n’a pas l’expérience ni les capacités suffisantes pour faire face à une telle déferlante », constate Yasmine Chikhi, assistante de recherche au Centre d'Étude et de Recherche sur le Monde Arabe et Méditerranéen. Le Maroc ne peut en effet contrôler toute l’étendue de ses côtes et de ses frontières avec les autres pays. Les conséquences humanitaires de cette incapacité sont dramatiques. Le degré de violence dans l’application des mesures de contrôle ne fait qu’augmenter, dans l’objectif de dissuader les futurs candidats. La plupart des immigrés sont renvoyés dans le désert. Le traitement réservé aux migrants subsahariens est souvent contraire aux droits de l’Homme.
Maroc, réceptacle des immigrés indésirables de l’Europe
La lutte contre cette immigration clandestine conduit à une accélération des relations entre le Maroc et l’Europe. Yasmine Chikhi confie : « Le gouvernement marocain subit des pressions de l’Espagne, qui l’accuse de ne pas en faire assez pour refouler ces demandeurs d’asile ». Dans un contexte sécuritaire exacerbé par les événements du 11 septembre 2001, l’Union européenne externalise la gestion de ses frontières plus au sud. Abdelkrim Belguendouz , spécialiste de l’immigration clandestine, constate : « Le Maroc est désormais chargé de la mission de rétention, de contrôle, de dissuasion, de traque, de mise à l’écart et de barrage ». L’Europe n’a pas non plus hésité à ressortir un vieux dossier oublié datant de 1992, négocié pour une immigration clandestine fort différente. Le Maroc s’engageait à la réadmission de tout immigré ayant transité par le Maroc. Les premiers rapatriements vers le Maroc ont eu lieu le 27 février 2004, dans le plus grand secret.
Instrumentalisation des aides européennes
Dans un premier temps, Rabat rechignait à jouer au « gendarme de l’Europe ». L’Union trouva alors la solution, notamment en instrumentalisant le programme européen MEDA. Constitué de subventions originellement prévues pour le développement économique et social du Maroc, le projet MEDA est devenu l’outil de la politique sécuritaire européenne. Une partie du financement a été affectée à la lutte contre l’immigration clandestine (formation, appui logistique...). Le Maroc se retrouvait coincé ; s’il n’acceptait pas cette partie du programme, il n’accédait pas non plus au reste des aides financières européennes. Le Maroc signa donc le contrat... Yasmine Chikhi explique : « Cette collaboration fait du Maroc un partenaire crédible aux yeux de l’Union européenne ». De plus, cette politique a des effets positifs pour le Maroc : compensations financières, collaboration entre les services de sécurité marocains et européens, facilitation de l’obtention des contrats de travail pour les Marocains désirant travailler en Espagne… Une fois de plus, les intérêts politico-économiques ont eu raison des droits de l’Homme.
1 Albert Choukroun, photographe indépendant espagnol, in Le Monde, 6/10/2005
2 « Expansion et sous-traitance des logiques d’enfermement de l’Union européenne : l’exemple du Maroc », in Culture et Conflits, n°57, 2005
3 Mennonite Economic Development Associates (MEDA)
liens
http://www.ihecs.be/regards/marocchiendegarde.htm
« C’était une explosion humaine », déclare un photographe. Ce jeudi 29 septembre, à l’aube, plus de 1 200 immigrés se sont jetés sur le double grillage hérissé de barbelés qui cerne Melilla, enclave espagnole sur les côtes marocaines. Grâce à des échelles de fortune, quelques centaines d’entre eux ont réussi à passer, mais les blessés sont tout aussi nombreux et six personnes ont été tuées. Or, ce genre d’assaut devient de plus en plus courant.
Le Maroc s’avère un passage presque obligé pour tout Africain désirant atteindre l’Europe. Seuls 11 kilomètres séparent les côtes espagnoles des côtes marocaines. De plus, au niveau des enclaves de Ceuta et Melilla, c’est une simple frontière terrestre qui sépare l’Afrique de l’Espagne. Cependant, les candidats à l’immigration ne devraient pas se laisser flouer par ce mirage géographique. Suite aux accords de coopération avec l’Europe, le Maroc fait tout pour réprimer l’immigration illégale. Ce pays de tous les espoirs devient donc pour beaucoup un cul-de-sac.
Dépassé par les événements
Les ressortissants africains sont de plus en plus nombreux à fuir leur pays. Après une traversée périlleuse du Sahara, ils se heurtent au cordon sanitaire mis en place par le Maroc. Cette politique de barrage n’est pas sans conséquence pour le pays. « C’est la première fois que le Maroc assiste à une telle vague d’immigration. Le Maroc n’a pas l’expérience ni les capacités suffisantes pour faire face à une telle déferlante », constate Yasmine Chikhi, assistante de recherche au Centre d'Étude et de Recherche sur le Monde Arabe et Méditerranéen. Le Maroc ne peut en effet contrôler toute l’étendue de ses côtes et de ses frontières avec les autres pays. Les conséquences humanitaires de cette incapacité sont dramatiques. Le degré de violence dans l’application des mesures de contrôle ne fait qu’augmenter, dans l’objectif de dissuader les futurs candidats. La plupart des immigrés sont renvoyés dans le désert. Le traitement réservé aux migrants subsahariens est souvent contraire aux droits de l’Homme.
Maroc, réceptacle des immigrés indésirables de l’Europe
La lutte contre cette immigration clandestine conduit à une accélération des relations entre le Maroc et l’Europe. Yasmine Chikhi confie : « Le gouvernement marocain subit des pressions de l’Espagne, qui l’accuse de ne pas en faire assez pour refouler ces demandeurs d’asile ». Dans un contexte sécuritaire exacerbé par les événements du 11 septembre 2001, l’Union européenne externalise la gestion de ses frontières plus au sud. Abdelkrim Belguendouz , spécialiste de l’immigration clandestine, constate : « Le Maroc est désormais chargé de la mission de rétention, de contrôle, de dissuasion, de traque, de mise à l’écart et de barrage ». L’Europe n’a pas non plus hésité à ressortir un vieux dossier oublié datant de 1992, négocié pour une immigration clandestine fort différente. Le Maroc s’engageait à la réadmission de tout immigré ayant transité par le Maroc. Les premiers rapatriements vers le Maroc ont eu lieu le 27 février 2004, dans le plus grand secret.
Instrumentalisation des aides européennes
Dans un premier temps, Rabat rechignait à jouer au « gendarme de l’Europe ». L’Union trouva alors la solution, notamment en instrumentalisant le programme européen MEDA. Constitué de subventions originellement prévues pour le développement économique et social du Maroc, le projet MEDA est devenu l’outil de la politique sécuritaire européenne. Une partie du financement a été affectée à la lutte contre l’immigration clandestine (formation, appui logistique...). Le Maroc se retrouvait coincé ; s’il n’acceptait pas cette partie du programme, il n’accédait pas non plus au reste des aides financières européennes. Le Maroc signa donc le contrat... Yasmine Chikhi explique : « Cette collaboration fait du Maroc un partenaire crédible aux yeux de l’Union européenne ». De plus, cette politique a des effets positifs pour le Maroc : compensations financières, collaboration entre les services de sécurité marocains et européens, facilitation de l’obtention des contrats de travail pour les Marocains désirant travailler en Espagne… Une fois de plus, les intérêts politico-économiques ont eu raison des droits de l’Homme.
1 Albert Choukroun, photographe indépendant espagnol, in Le Monde, 6/10/2005
2 « Expansion et sous-traitance des logiques d’enfermement de l’Union européenne : l’exemple du Maroc », in Culture et Conflits, n°57, 2005
3 Mennonite Economic Development Associates (MEDA)
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http://www.ihecs.be/regards/marocchiendegarde.htm
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