mardi, octobre 31, 2006

La douleur est palestinienne... La blessure est palestinienne...


La douleur est palestinienne...

La blessure est palestinienne...

L'univers entier regarde le spectacle de la mort sur la scène palestinienne...

Tulkarm, Naplouse et Jénine... Jénine... Jénine

Déclaration du Professeur John Dugard, Rapporteur Spécial sur la situation des droits de l'Homme dans les Territoires Palestiniens Occupés.

Photo Rafah Today : Gaza : des familles sans abris, une population affamée, un pays détruit, des milliers de morts et des dizaines de millers de blessés ....


Par John Dugard
Seconde Session du Conseil des Droits de l'Homme - 26 Septembre 2006


les Palestiniens ont été soumis aux sanctions économiques : c'est la première fois qu'un peuple occupé est traité ainsi.
Cela continue, malgré le fait qu'Israel se trouve lui-même en violation de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale et qu'il n'a pas mis en application l'avis consultatif de la Cour Internationale de Justice du 9 juillet 2004.
Le Quartet lui-même n'a pas respecté l'avis consultatif et il n'y fait même pas référence dans ses déclarations publiques.

Le Sécrétaire Général a l'honneur de communiquer aux membres du Conseil des Droits de l'Homme le rapport sur les violations de la loi humanitaire internationale et aux Droits de l'Homme dans les Territoires Palestiniens Occupés depuis 1967, soumis par John Dugard, rapporteur spécial, conformément à la décision 1/106 du Conseil de droits de l'homme

Le Sécrétaire Général attire l'attention des membres du Conseil des droits de l'homme au fait que ce rapport est basé sur une visite entreprise par le rapporteur spécial du 9 au 17 juin 2006, avant l'adoption de la décision mentionnée ci-dessus par le Conseil.


Sommaire

• L'élément central de ce rapport est le conflit à Gaza et le siège de Gaza.
Le 25 juin 2006, suite à la capture du caporal Gilad Shalit par des militants palestiniens et à l'augmentation des roquettes artisanales Qassam sur Israel, Israel a démarré des incursions militaires répétées dans Gaza et a bombardé régulièrement Gaza, entraînant de nombreux décès et blessés, la destruction de maisons, de terres agricoles et de l'infrastructure, ayant pour résultat de très nombreuses violations des droits de l'homme et de la loi humanitaire internationale.
En particulier, Israel a violé l'interdiction sur l'utilisation aveugle de la force militaire contre des civils et les biens des civils. La situation en Cisjordanie s'est également sensiblement détériorée.

• Le Mur construit actuellement dans les Territoires Palestiniens est maintenant décrit par le nouveau gouvernement israélien comme une mesure politique destinée à annexer 10% des terres palestiniennes situées entre la Ligne Verte et le Mur, où vivent environ 76% de la population des colons israéliens.
Quand le Mur sera achevé, 60.500 Palestiniens de Cisjordanie vivant dans 42 villes et villages seront enfermés dans la zone fermée entre le Mur et la Ligne Verte.
Les 500.000 Palestiniens vivant près du Mur ont besoin d'autorisations pour le franchir et on estime que 40% des demandes d'autorisations sont refusées.

• Israel continue sa politique de dé-Palestinisation de Jérusalem.
Le mur est construit de façon à placer environ un quart des 230.000 Palestiniens de Jérusalem-Est en Cisjordanie.
A l'avenir, ces gens auront besoin d'autorisations pour accéder à leur emploi et rendre visite à leurs amis, aux hôpitaux et aux sites religieux de Jérusalem.

• Les colonies continuent à s'agrandir, en violation de la Quatrième Convention de Genève.
La population des colons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est s'élève à plus de 440.000.

• Le petit mur en construction au Sud d'Hébron rendra difficile aux communautés palestiniennes situées entre le petit mur et la Ligne Verte d'accéder à leurs terres, à leurs écoles et leurs cliniques.

• Le nombre de checkpoints a augmenté, de 376 en août 2005 pour passer à plus de 500.
Les autorisations pour circuler entre les différentes régions de Cisjordanie sont accordées avec modération et obligent les Palestiniens à se soumettre aux procédures bureaucratiques arbitraires.
Naplouse et Jénine, en particulier, ont été gravement affectés par des checkpoints, et sont aujourd'hui véritablement des villes emprisonnées.
Il semble que l'objectif principal de nombreux checkpoints est de rappeler constamment aux Palestiniens le contrôle de leurs vies par les Israéliens et de les humilier.

• La démolition des maisons demeure un élément régulier de l'occupation.
C'est maintenant devenu la pratique de détruire des maisons au cours des arrestations lors des opérations de police.
La destruction des maisons pour d'autres raisons que la nécessité militaire est interdite par loi humanitaire internationale.

• La vie des familles palestiniennes est minée par un certain nombre de lois et de pratiques israéliennes. Récemment, la cour Suprême israélienne a confirmé une loi qui interdit aux Arabes israéliens qui épousent des Palestiniens de vivre avec eux en Israel.
Le mur à Jérusalem a également eu comme conséquence la séparation des familles

• Plus de 10,000 Palestiniens, y compris des femmes et des enfants, sont emprisonnés dans les prisons israéliennes.

• La situation humanitaire en Cisjordanie et Gaza est effroyable.
Au moins 4 Palestiniens sur 10 vivent sous le seuil de pauvreté officiel qui est de 2,10 dollars américains par jour et le chômage est au moins de 40%.
Pour aggraver les choses, le secteur public, qui représente 23% de l'ensemble des emplois dans les Territoires Palestiniens, est utilisé sans être payé en raison de la retenue des sommes dues par le gouvernement israélien à l'Autorité Palestinienne, qui représente entre 50 à 60 millions de dollars par mois.
En outre, les Etats-Unis et l'Union Européenne ont arrêté le versement des fonds à l'Autorité Palestinienne parce que le Hamas, le parti élu au gouvernement en janvier 2006, est sur leurs listes des organisations terroristes.
Des organisations non gouvernementales travaillant avec l'Autorité Palestinienne ont été affectées également par les restrictions aux financements.

• En effet, les Palestiniens ont été soumis aux sanctions économiques : c'est la première fois qu'un peuple occupé est traité ainsi.
Cela continue, malgré le fait qu'Israel se trouve lui-même en violation de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale et qu'il n'a pas mis en application l'avis consultatif de la Cour Internationale de Justice du 9 juillet 2004.

• Le Quartet lui-même n'a pas respecté l'avis consultatif et il n'y fait même pas référence dans ses déclarations publiques. Cela a sensiblement ébranlé la réputation des Nations Unies dans les Territoires Palestiniens Occupés.
Bien que les Palestiniens aient un profond respect envers les employés des Nations Unies sur le terrain, ils ont des craintes sérieuses quant au rôle des Nations Unies à New York et à Genève.


Principaux points du rapport

1. Les militants politiques ont des droits, en vertu de la loi sur les droits de l'homme et de la loi humanitaire internationale. Aujourd'hui cette vérité évidente est rejetée par Israel et par certains Etat occidentaux qui devraient être mieux au courant.
Ces Etats et leurs dirigeants considèrent que toutes les actions, peu importe si elles sont brutales, sont permises dans la soi-disant guerre contre le terroriste. En conséquence, ils ont peu de sympathie pour les appels au respect des droits des militants politiques.
Ces convictions sont tellement ancrées que peu de choses sont faites pour tenter de convaincre ces personnes qu'elles ne comprennent pas les droits de l'homme et la loi humanitaire internationale.
Cela explique pourquoi aujourd'hui je ne vais pas parler des actions israéliennes contre les militants et les politiciens palestiniens.

Au lieu de cela, je parlerai seulement des actions israéliennes contre les Palestiniens ordinaires, non-militants et non-activistes qui veulent tout simplement vivre normalement avec leurs familles et leurs amis, qui souhaitent éduquer leurs enfants pour avoir une vie meilleure et qui aimeraient jouir des petits plaisirs de la vie.
J'espère que ma description des difficultés éprouvées par ces gens troublera les consciences de ceux qui sont habitués à fermer les yeux et les oreilles face à la souffrance des Palestiniens.

2. Je suis rapporteur spécial des droits de l'homme dans les Territoires Palestiniens Occupés (OPT) depuis 2001.
D'une perspective des droits de l'homme, la situation s'est détériorée tous les ans jusqu'à aujourd'hui, ce qui est intolérable, effroyable, tragique – appelez ça comme vous le voulez - pour le Palestinien ordinaire.
Pour illustrer ceci, laissez-moi décrire certaines des actions, des pratiques et des lois israéliennes qu'affrontent les Palestiniens ordinaires.
A Gaza, depuis la capture du Caporal Gilad Shalit le 25 juin, la population a été sujette à des bombardements continues et à des invasions militaires au cours desquels plus de 100 civils ont été tués et nombreux ont été blessés.
Ce qu'Israel choisit de décrire comme des "dégâts collatéraux" pour la population civile est en fait un massacre aveugle interdit par le droit international. Puis, il y a les bangs supersoniques réguliers qui terrorisent la population la nuit.

3. En juin, Israel a bombardé et a détruit la seule centrale électrique de Gaza.
En conséquence, plus de la moitié de l'approvisionnement en électricité a été coupée et les Gazéens resteront sans énergie pendant au moins un an.
Cela a un impact non seulement sur le chauffage et la cuisine dans la maison mais également sur l'approvisionnement en eau puisque les pompes à eau n'ont pas d'électricité.

4. Les hôpitaux sont forcés d'utiliser des générateurs pour faire fonctionner les équipements de sauvetage en raison des coupures d'électricité.
Beaucoup de médicaments de base sont indisponibles.
Le personnel de l'hôpital ne peut pas venir travailler alors que leurs salaires ne sont pas rémunérés et parce qu'ils n'ont pas les moyens de payer le transport pour venir jusqu'à leur lieu de travail.
Les patients ne peuvent pas voyager à l'étranger pour un meilleur traitement en raison de la fermeture du passage de Rafah.

5. Des maisons ont été détruites par des tanks et des bulldozers.
Des écoles ont également été endommagées.
Des citronniers et des oliviers ont été déracinés ; des terres agricoles ont été rasées au bulldozer.

6. Les trois quarts de la population ne peuvent pas s'alimenter et dépendent de l'aide alimentaire.
Les prix des denrées alimentaires ont augmenté ; le poisson n'est plus disponible en raison du blocus naval d'Israel qui interdit la pêche ; les produits périssables sont perdus en raison du manque d'électricité.

7. Le passage de Rafah pour les personnes et le passage de Karni pour les marchandises sont fermés en permanence.
Ce n'est pas pour des raisons de sécurité mais pour faire pression sur les Palestiniens afin qu'ils libèrent le caporal Shalit.
Gaza est une prison ; et Israel semble avoir jeté la clef.

8. En Cisjordanie il y a le mur, qui n'est plus justifié par Israel comme une mesure de sécurité. Au lieu de cela, on reconnaît ouvertement qu'il sert une objectif politique : l'annexion des colonies et de la terre des colonies.
L'impact humanitaire du mur est grave. Les Palestiniens vivant entre la Ligne Verte et le mur, dans la prétendue zone fermée, ne peuvent pas accéder librement aux écoles, aux hôpitaux et aux lieux où se trouve le travail en Cisjordanie.

Ceux qui vivent le long du mur en Cisjordanie ne peuvent pas accéder à leurs fermes situées dans la zone fermée sans autorisation ; et les autorisations sont fréquemment refusées pour de fausses raisons par les bureaucrates israéliens déterminés à humilier les fermiers palestiniens.
Par désespoir, beaucoup de fermiers palestiniens ont abandonné leurs terres.
Ceci a eu comme conséquence une nouvelle catégorie de personnes déplacées intérieurement.
Dans d'autres pays, ce processus pourrait être décrit comme un nettoyage ethnique mais le politiquement correct interdit un tel langage quand 'Israel est concerné.

9. Dans l'ensemble de la Cisjordanie, il y a maintenant plus de 500 checkpoints et barrages routiers. La Cisjordanie est fragmentée en Bantustans par des checkpoints et des barrages routiers. Des villes sont coupées en deux.
Les marchandises ne peuvent pas être transportées librement en Cisjordanie.
Et les individus possédant des autorisations de passage pour les checkpoints sont harcelés et humiliés par les soldats de l'IDF qui semblent considérer tous les Palestiniens comme des terroristes.
Dans la plupart des cas, les checkpoints n'ont aucun objectif de sécurité. Par contre, ils ont pour but de rappeler continuellement aux Palestiniens le pouvoir des Israéliens.

10. Les démolitions de maisons se poursuivent en utilisant de nombreuses raisons.
Le manque d'obtention de permis de construire, des opérations de police, la proximité du mur. Le bulldozer Caterpillar est devenu un symbole de l'occupation.

11. Différentes parties des Territoires palestiniens Occupés expérimentent différents problèmes

12. À Jérusalem, le mur sépare les communautés palestiniennes.
Certains sont relégués en Cisjordanie tandis que d'autres conservent leurs privilèges en tant qu'habitants de Jérusalem-Est.
Franchir le mur est devenu un cauchemar.
Des familles ont été séparées.

13. Le Sud d'Hébron, secteur sujet à la violence des colons, a maintenant un nouveau problème.
Un petit mur est construit entre les maisons palestiniennes et les terres agricoles et les pâturages : conçu, comme d'habitude, pour faciliter la circulation des colons.

14. La Vallée du Jourdain est en fait annexée mais sans le dire.
Les Palestiniens qui n'habitent pas dans la Vallée du Jourdain ne peuvent plus entrer dans le secteur sans autorisation. Les checkpoints isolent la vallée. Et les colonies s'agrandissent.

15. La Cisjordanie est frappée par une grave crise humanitaire, bien qu'elle ne soit pas aussi extrême qu'à Gaza.
Environ 40% de la population vit sous du seuil de pauvreté et dépend de l'aide alimentaire.
Le chômage est d'environ 40% tandis que les fonctionnaires représentant 23% de la population palestinienne travaillent sans être payés.

16. Dans une large mesure, la crise humanitaire est le résultat de l'arrêt du financement de l'Autorité Palestinienne depuis que le Hamas a été élu au gouvernement.
Israel retient illégalement les droits de TVA et les recettes douanières s'élevant à 50-60 millions de dollars par mois et les Etats-Unis, le Canada et l'Union Européenne ont stoppé le financement des projets liés à l'Autorité Palestinienne.
Le mécanisme provisoire au niveau international de l'Union Européenne conçu pour soulager le secteur de la santé et pour fournir des allocations de base aux plus pauvres de la communauté a soulagé, mais est insatisfaisant pour améliorer la situation d'une grosse partie de la population.
Depuis 1994, les Territoires palestiniens Occupés sont devenus fortement dépendants du financement étranger.
L'interruption de ce financement a affecté gravement la société palestinienne.

17. En effet, les Palestiniens ont été soumis aux sanctions économiques : C'est la première fois qu'un peuple occupé est traité ainsi.
Israel viole le droit international comme l'ont exposé le Conseil de sécurité et la Cour Internationale de Justice mais il reste impuni.
Par contre, les Palestiniens sont punis pour avoir élu démocratiquement un régime inacceptable pour Israel, les Etats-Unis et l'Union Européenne.

18. L'attaque contre Gaza avec ses pertes en vies humaines et ses dégâts, la construction du mur, le système des checkpoints, la destruction des maisons et des terres, et la crise humanitaire imposée en conséquence ne peuvent pas légalement être justifiés.
Tout comme les mesures de sécurité, tout cela est excessivement disproportionné et aveugle.
Cela constitue une punition collective, pas envers un gouvernement, mais envers un peuple - en violation flagrante de l'article 33 de la Quatrième Convention de Genève.

19. Israel est en grande partie à blâmer pour la situation que j'ai décrite. Ses actions, ses pratiques et ses lois ont frappé durement les Palestiniens.
Mais d'autres Etats et institutions ne sont pas irréprochables. Les Etats-Unis, le Canada et l'Union Européenne ont contribué sensiblement à la crise humanitaire en retirant le financement non seulement de l'Autorité Palestinienne mais également des Palestiniens.

20. Tristement, les Nations Unies, en tant que membre du Quartet, ont pardonné une telle action.
En effet, elles ont pris part à l'imposition des sanctions économiques contre les Palestiniens.
Tous les Etats Membres de ce Conseil sont des membres des Nations Unies et portent, en conséquence, une certaine responsabilité pour la situation actuelle.

21. Laissez-moi conclure en disant, comme je l'ai dit au cours des cinq dernières années, que les actions d'Israel, et maintenant celles d'autres Etats, contre le peuple de la Palestine défient l'engagement de la communauté internationale envers les droits de l'homme.
Si les Etats et les institutions de la communauté internationale ne peuvent pas reconnaître ce qui se passe dans les Territoires Palestiniens Occupés et agir, qu'ils ne soient pas étonnés si la population de la planète ne croit plus en leur engagement sérieux dans la promotion des droits de l'homme et la protection d'un peuple en danger.

Traduction : MG pour ISM

liens
http://www.ism-france.org/news/article.php?id=
5599&type=analyse&lesujet=Rapports

lundi, octobre 30, 2006

Bondyblog, un autre journalisme pour raconter la banlieue et l'élection.

Par Michaela CANCELA-KIEFFER

BONDY (AFP) - Ils sont huit jeunes âgés de 19 à 26 ans, des journalistes bénévoles qui racontent de l'intérieur la banlieue sur le "Bondyblog" avant tant d'originalité que Yahoo leur a demandé de couvrir l'élection présidentielle.

- "Dans le lycée où je travaille, une assoc est venue pour parler de l'homosexualité (...) ils ont montré une vidéo où un mec disait 'je suis musulman homosexuel et je suis fier'. Ca a fait un tollé !".

- "Il faut que tu racontes ça !"

La conférence de rédaction du "Bondyblog", (bondyblog.fr) créé par des journalistes suisses du magazine l'Hebdo, venus couvrir les émeutes de novembre 2005 et tenu depuis mars par ces jeunes encadrés par trois tuteurs, commence. Il est 19h30 dans une salle de la Maison des quartiers de Bondy, en Seine-Saint-Denis, département où les émeutes ont démarré.

Autour de la table, il y a notamment le rédacteur en chef Mohamed Hamidi, professeur d'économie et gestion, et des "bloggeurs": Chou Sin, qui propose le sujet sur l'homosexualité, Soraya Messaoudi, Hanane Kaddour, Idir Hocini, Kamel el-Houari, Sada Fofana... formés notamment par des journalistes de l'Hebdo et un collaborateur du New York Times.

Ils sont étudiants, assistant d'éducation ou chômeur, enfants de l'immigration, "de la banlieue".

Les idées et les rires fusent. On débat. Sada Fofana, étudiante en prépa de 19 ans, s'insurge contre "l'anniversaire" des émeutes. Chou estime que si les violences reprennent, cela sera "à cause des médias".

Ils tombent d'accord sur une couverture éthique: les médias peuvent faire état d'un "bus brûlé", mais pas le localiser, pour éviter la surenchère.

Kamel explique qu'il veut aller à Saint-Germain-des-Prés raconter les cafés chics, avec son regard. "Il paraît que si tu viens à 7h30, c'est un autre monde".

Sur le blog cette semaine, Soraya a écrit que la dernière librairie de Bondy vient de fermer: "En banlieue, au lieu de mettre quatre euros dans un livre, on préfère s'acheter un grec", dit son article.

On peut aussi y lire cette lettre d'une nouvelle enseignante de ZEP: "Autant dire que la première semaine a été très difficile, une grosse claque en pleine figure (...)".

Les commentaires de lecteurs sont nombreux. La liberté de ton domine.

Le moteur de recherche Yahoo, dont la page Actualités en français est lue par 300 à 700.000 personnes quotidiennement, en quête d'une couverture originale de la présidentielle, a choisi de s'associer au Bondyblog.

"Ils ont une vision qui va au-delà de suivre des policiers lors des descentes (...) C'est du témoignage brut, on est branchés en direct sur la réalité", explique à l'AFP Julien Laroche-Joubert, directeur des actualités en Europe.

Dans les semaines qui viennent, le site va recruter des correspondants dans 15 lycées classés ZEP et conventionnés Sciences-Po, partout en France. Ils seront formés par Alain Rebetez, un des journalistes suisses à l'origine du blog.

Les bondybloggeurs, eux, savent ce qui les différencie des journalistes "traditionnels": "on est tous les jours sur le terrain", dit Soraya. "Je raconte ma vie", renchérit Idir.

liens
http://fr.news.yahoo.com/26102006/202/bondyblog-un-
autre-journalisme-pour-raconter-la-banlieue-et-l.html

VOILA COMMENT « LES INTOUCHABLES » sèment la PAIX en FRANCE.

Jeudi 26 octobre 2006 , par MBOA

Après l’agression lâchement orchestrée par le BETAR et la LDJ sur Dieudonné et ses enfants et de l’impunité qui a accompagné ces actes barbares de ces "saints", c’est maintenant à notre amie, collègue et sœur Ginette HESS SKANDRANI d’être la cible et victime de ces nervis au service de la république. Encore un homicide heureusement manqué, que les nervis sionistes (bien sûr) organisent sur le sol français.

J’aime autant préciser ici que j’ai eu Ginette au téléphone aujourd’hui 26/10/2006 aux environs de 15 Heures 30 ; c’est une dame courageuse mais choquée qui m’a parlé de son calvaire.

En effet, me raconte Ginette, ces nervis encagoulés rentrés chez elle par effraction, comme des fauves se sont jetés sur elles en la rouant de coups de pieds et autres armes blanches. Même au sol, et sans défense, ils ont continué leur concert de coups de poings et de pieds en hurlant me dit Ginette "Nous sommes les petits fils de Martin". Après de bonnes minutes de defoulement sur une femme sans défense, ces bandits protégés quittent le domicile de Ginette en criant "TU SAIS POURQUOI NOUS FAISONS CELA". Nous pouvons dire qu’un contrat a été mis sur la tête de Ginette,car qu’est ce qui justifie cette agression de plus sur la personne de cette femme qui par le passé a déjà été victime de ces mêmes actes avec la même violence qui les accompagne ?

Nous attendons, les réactions des représentants de la république, mais surtout celle du ministre de l’intérieur, pour nous expliquer comment des bandits circulent impunément dans les villes de France, perpétrant des agressions ci et là sans qu’ils ne soient inquiétés. A ces lâches, nous disons qu’on n’agresse pas une femme, qui plus est, seule et sans défense.

Voici deux communiqués que j’ai reçus,me signifiant les horreurs dont a été victime GINETTE, à qui j’apporte tout mon soutien.

Une lâche agression contre notre présidente, Ginette Hess Skandrani

La présidente fondatrice de notre association, l’AZLS, a été victime, le mercredi 25 octobre en soirée, d’une lâche agression à son domicile parisien de la part de deux jeunes hommes armés de casques qui étaient de toute apparence des nervis sionistes. Amenée à l’hôpital Saint-Antoine, Mme Skandrani, elle a reçu des points de suture à l’arcade sourcilière et au cuir chevelu.

Cette lâche agression intervient quelques jours avant une rencontre pacifique pour la Palestine organisée samedi 28 octobre à 15 heures à la Fontaine des Innocents par l’AZLS avec d’autres associations, comme chaque dernier samedi du mois.

L’AZLS demande solennellement aux autorités françaises de tout faire pour que cesse la terreur organisée par des groupes sionistes ayant depuis longtemps franchi les limites de la légalité républicaine.

La France ne doit pas devenir un « territoire occupé » par les partisans du suprématisme juif, qui mettent en danger la coexistence des citoyens et le droit des gens non seulement à la libre expression mais, tout simplement, à la vie.

Pour l’AZLS, le trésorier,

Fausto Giudice


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Collectif de la Communauté Tunisienne en Europe

1 rue Cassini, 75014 Paris - Tél. : +33 (0)1 43 29 68 98

Communiqué

Ginette Skandrani, membre fondatrice des Verts, lâchement agressée à son domicile par deux nervis de type ashkénaze : plusieurs points de suture à l’arcade sourcilière et au cuir chevelu.

C’est vers 19h de ce mercredi 25 octobre que deux jeunes sont venus pour aider la concierge de l’immeuble où habite Ginette Skandrani, membre fondatrice des Verts, au moment où elle entrait les poubelles. Ils se sont engouffrés aussitôt dans les escaliers, et ont frappé à la porte de Mme Skandrani, qui leur a ouvert la porte sans se méfier. Ils se sont rués sur elle pour la rouer de coups de pied et à l’aide de leurs casques, puis ils se sont enfuis. La concierge alertée par les cris a aussitôt appelé les pompiers et la police. Elle a été amenée aux urgences de l’Hôpital Saint Antoine, puis à l’Hôtel Dieu pour un examen médico-légal.

Notre Collectif dénonce avec la plus grande colère cette lâche agression contre Mme Ginette Skandrani qui a consacré sa vie pour de justes causes : l’écologie, la solidarité avec les peuples du Maghreb, mais aussi pour faire connaître la tragédie palestinienne, notamment en co-organisant avec plusieurs associations dont la nôtre, les derniers samedis de chaque mois des rassemblements au Châtelet à la Fontaine des Innocents pour dénoncer le génocide actuel du peuple palestinien, et pour appeler à la création en terre de Palestine d’un seul Etat pour tous. Cette agression perpétrée par des sionistes vise à faire taire les rares voix en France qui s’élèvent contre le massacre quotidien des Palestiniens.

Notre Collectif exprime son entière solidarité et sa sympathie avec Ginette Skandrani, et appelle tous ceux qui militent pour la cause palestinienne à lui exprimer publiquement leur soutien pour son combat contre le sionisme et ses crimes contre les Palestiniens.

Nous lançons un appel aux autorités françaises à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour retrouver les agresseurs et mettre fin à la terreur exercée en toute impunité par des ligues factieuses en France contre toute personne critique de l’entité sioniste.

Fait à Paris, le 25 octobre 2006

Le Président,

Mondher Sfar


Contact Mme Ginette Skandrani : azls2006@yahoo.fr

liens
http://lesogres.info/article.php3?id_article=2582

L’ancien ministre britannique de l’Intérieur admet avoir demandé le bombardement d’Al-Jazeera

Article original anglais paru le 25 octobre 2006

Le gouvernement britannique censure la preuve que Bush a fait de même Par Chris Marsden 27 octobre 2006

De récentes informations indiquent que la chaîne de nouvelles Al-Jazeera basée au Qatar a été la cible de bombardements délibérés par l’administration Bush.

Dans une émission de télévision Channel 4 Dispatches qui a été diffusée récemment et qui portait sur les cahiers de notes de l’ancien ministre britannique de l’Intérieur David Blunkett, il a été révélé qu’en avril 2003, lors de l’invasion de l’Irak par la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, Blunkett a noté qu’il avait pressé le premier ministre Tony Blair de bombarder l’antenne de transmission d’Al-Jazeera à Bagdad. Interviewé par Dispatches, Blunkett a reconnu qu’il avait fait une telle proposition à Blair.

A la question de savoir s’il considérait Al-Jazeera comme une cible civile, Blunkett a répondu « Hé bien, je ne crois pas qu’il y a des cibles dans une guerre que vous ne pouvez pas attaquer parce qu’on n’y trouve pas du personnel militaire alors qu’ils tentent de gagner la guerre de propagande au nom de votre ennemi. »

Blunkett se fit alors demander s’il pensait que sa suggestion allait à l’encontre de la loi internationale. Il a répondu, « Je ne crois pas pour un instant que nous aurions hésiter dans les guerres précédentes à obtenir qu’un mécanisme de propagande sur le territoire d’un pays que nous envahissons cesse de faire de la propagande contre nous. »

Seulement deux semaines après le 8 avril 2003, la date de la note de Blunkett, un missile américain frappait le générateur électrique du bureau d’Al-Jazeera à Bagdad. Le journaliste Tareq Ayyoub a été tué et un autre membre de l’équipe blessé.

L’éditeur en chef d’Al-Jazeera, Ahmed al-Sheikh, a dit « Cela vient s’ajouter à la preuve grandissante qui réussira à prouver un jour que l’attaque sur Al-Jazeera a été préméditée… aux plus hauts niveaux. Al-Jazeera a été choisie comme cible à cette époque parce que les gens qui faisaient la guerre en Irak n’aimaient pas ce que nous diffusions. Nous parlons de terrorisme. Ceci est du terrorisme pur. »

Al-Jazeera demande une déclaration du gouvernement de Blair.

L’admission de Blunkett est encore plus incriminante puisqu’elle survient au moment où le gouvernement britannique tente de censurer la preuve que le président américain George Bush a discuté avec Blair de la possibilité de bombarder les quartiers généraux d’Al-Jazeera au Qatar.

Le 22 novembre de l’an dernier, le Daily Mirror a publié un article exclusif en première sur le procès-verbal d’une conversation entre Bush et Blair à Washington le 16 avril 2004, durant une offensive majeure des Etats-Unis contre la ville irakienne de Fallujah. Le secrétaire d’Etat américain de l’époque, Colin Powell, était aussi présent à la réunion.

Le Mirror rapporte que le procès-verbal indiquait que Bush avait menacé d’entreprendre des « actions militaires » contre le siège social d’Al-Jazeera à Doha, la capitale du Qatar.

Une source anonyme a déclaré au quotidien « Le mémo est explosif et très préjudiciable pour Bush. Ce dernier a été très clair qu’il voulait bombarder Al-Jazeera au Qatar et ailleurs. Blair a répondu que cela causerait un gros problème. Il n’y a pas de doute sur ce que Bush voulait faire — et pas de doute que Blair ne voulait pas que Bush le fasse. »

Une autre source a ajouté « Bush était tout-à-fait sérieux, comme l’était Blair. Cela est très clair des termes qu’ont choisis les deux hommes. »

Les deux personnes qui auraient divulgué le compte rendu, Tony Clark, député travailliste à l'époque, et le fonctionnaire David Keogh, son ancien chercheur, ont été accusés d'après la Loi sur les secrets officiels, et le procureur général, Lord Goldsmith, a menacé de poursuivre le Mirror si ce dernier n'acceptait pas de ne plus publier d'autres révélations. Le journal s'est plié à ces demandes.

L'ancien ministre travailliste de la Défense, Peter Kilfoyle, a présenté une motion parlementaire demandant à Blair de rendre publique l'entièreté de la note.

Ayant tenté de poursuivre en justice les deux personnes afin d'intimider et d'étouffer d'autres reportages, le gouvernement dû faire face au problème de devoir présenter des éléments au procès qui pouvaient compromettre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne dans la planification d'un crime de guerre.

Pour empêcher ceci, le gouvernement a tenté d'obtenir un procès secret ; la demande a été acceptée le 9 octobre de cette année par le juge d'Old Bailey, le juge Aikens. Cette journée-là, on refusa l'accès aux médias à une réunion privée avant le procès. Des parties du procès, retardé jusqu'en avril de l'année prochaine, seront ainsi gardées secrètes.

Le gouvernement a argumenté en faveur d'un processus secret sur la base que la note représentait un danger à la sécurité nationale.

Sir Nigel Sheinwald, le conseiller de Blair en matière de politique étrangère qui était présent à la réunion de Washington, a signé en mars un acte pour persuader le juge que le procès devait se faire en secret, avant même que Keogh et O'Connor ne soient accusés. Cet acte soutenait que le compte rendu « pourrait avoir un impact sérieux sur les relations internationales » du Royaume-Uni, et aurait probablement porté atteinte à la « défense » des intérêts britanniques, incluant ceux des citoyens britanniques en Irak.

Les avocats du gouvernement ont au même moment demandé un ajournement des audiences avant procès jusqu'en avril 2006, sur la base qu'ils avaient besoin d'un certificat de Jack Straw, ministre des Affaires étrangères à l'époque. Straw n'a jamais signé de certificat. Cette tâche fut laissée à son successeur, Margaret Beckett, qui ne l'a fait qu'en juin.

Beckett continue de soutenir que divulguer la note aurait un « impact négatif important sur les relations diplomatiques entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis. L'ultime conséquence... serait une atteinte considérable à la sécurité nationale. »

« J'évalue que ce risque est si important qu'il prédomine sur l'intérêt d'une justice publique ouverte », a-t-elle ajouté.

Qualifiant ces arguments de « profondément troublants », Richard Norton-Taylor, rédacteur en chef des affaires relatives à la sécurité pour le Guardian, attire l'attention sur le jugement du juge Aikens qui accepte et même renforce les arguments du gouvernement pour étouffer la vérité.

Il fait remarquer que la décision accepte l'affirmation selon laquelle divulguer le contenu de la note aurait un « impact nuisible » sur les « relations diplomatiques et politiques » entre la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, et entraînerait de « graves conséquences » pour « la sûreté ou la sécurité nationales du Royaume-Uni dans la présente situation internationale. »

Norton-Taylor continue : « le contenu du mémo pourrait être lu “à travers le monde” a-t-il (le juge) prévenu — une perspective, semble-t-il, trop horrible à envisager. Il y aura "différents points de vue sur les implications de ce qui est déclaré" dans le mémo. "Il est raisonnable de conclure", nous avise-t-il, que certains individus, une partie des médias, et même "certains Etats" pourraient réagir "très défavorablement" au contenu du mémo. Cela pourrait être "pour la seule raison que l’on y discute de la politique des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne face à l’état de l’Irak à un moment délicat. " Il joue ensuite sa carte maîtresse. Il dit : "Il est également légitime pour la cour, selon moi, de garder à l’esprit la menace continuelle à la sécurité nationale qui est posée par la possibilité que des actes terroristes soient commis par des extrémistes en Grande-Bretagne." »

Norton-Taylor conclut « Ne se contentant pas d’utiliser la menace terroriste, le juge a dit que s’il n’avait pas été d’accord pour un procès tenu en privé, le gouvernement aurait peut-être laissé tomber l’affaire et à l’avenir été réticent à poursuivre “ce type d’affaires”. »

Cet argument n’a jamais remis en cause l’authenticité du procès-verbal ou leur exactitude. Il affirme plutôt que s’il fallait que son contenu — c’est-à-dire une discussion sur les crimes de guerre — soit révélé, alors cela pourrait soulever une colère justifiable internationalement et en conséquence endommager les intérêts nationaux britanniques — particulièrement en fragilisant la relation de Londres avec Washington.

Ce jugement implique que ceux qui demandent que des comptes soient rendus publiquement risquent de donner des munitions et d’aider les terroristes. Et, en forçant le gouvernement à rendre des comptes publiquement, ils vont peut-être l’empêcher de poursuivre des dénonciateurs (whistleblowers) dans cette affaire et d’autres affaires similaires dans le futur.

Mark Stephens, l’avocat de la défense agissant pour Al-Jazeera, a dit aux journalistes, « En bout de ligne, il n’y a pas de question de sécurité nationale [dans cette affaire]. Ce qui ne peut être dévoilé au public, c’est la preuve d’un crime de guerre. »

M. Stephens en appelle à Richard Thomas, le Commissaire à l’information, sur le refus du gouvernement de divulguer le mémo en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.

Les avocats pour Keogh et O’Connor n’ont fait aucun commentaire important.

Les bureaux d’Al-Jazeera ont été frappés par les Etats-Unis à deux occasions différentes. Comme en 2003, lorsque l’attaque à Bagdad a tué Ayyoud, le 13 novembre 2001, deux « bombes intelligentes » ont frappé les bureaux d’Al-Jazerra à Kaboul en Afghanistan, détruisant l’édifice dans lequel ils se trouvaient.

Al-Jazeera a dit que les coordonnées de son bureau à Kaboul étaient connues des Etats-Unis. Et le 23 février 2003, six semaines avant l’assassinat de Ayyoud, Mohammed Jasim al-Ali, d’Al-Jazeera, envoya une lettre avec les coordonnés des bureaux de Bagdad à Victoria Clark, la secrétaire assistante pour la défense des affaires publiques.

La veuve d’Ayyoud a intenté une poursuite contre le gouvernement des Etats-Unis pour la mort de son mari en 2003. Son avocat, Hamid Rifai, a dit aux journalistes que « la cause a été intentée en partie à cause de la révélation publiée dans le Daily Mirror de Londres que le président Bush avait dit au premier ministre Tony Blair qu’il désirait bombarder le quartier général d’Al-Jazeera au Qatar. »

liens
http://www.wsws.org/francais/News/2006/
octobre06/271006_censure.shtml

chez F.O.G. : Barre Ramadan Brighelli Bougrab



Pour avoir plus d'informations sur les invités visitez cette page :
http://www.france5.fr/chez-fog/chezfog_article.php3?id_article=300

dimanche, octobre 29, 2006

Faire ses comptes avec le sionisme : un débat à quatre voix.


Gilad Atzmon & Khalid Amayreh

Deux poids lourds du militantisme intellectuel propalestinien interviennent dans la polémique entre Santiago Alba Rico et Raْl Sanchez Cedillo sur la responsabilité historique de l'état d’Israël dans la tragédie du Proche-Orient

Santiago Alba Rico, Raْl Sanchez Cedillo, Khalid Amayreh et Gilad Atzmon, 26 octobre 2006

Introduit par Manuel Talens, traduit par Marcel Charbonnier, Fausto Giudice et Xavier Rabilloud


Un Palestinien “de l’intérieur”, un ex-Israélien et deux Européens débattent de la question de fond de la légitimité d’Israël : y a-t-il une vie après le sionisme ?


Introduction : enfoncer le clou

Par Manuel Talens

Faisant partie de ceux qui pensent que le sionisme est une forme de racisme et refusant la fausse déduction selon laquelle toute attaque contre l’appareil institutionnel de l’ةtat d’Irsaël serait une marque d’antisémitisme (alors qu’il s’agit de politique), les textes matérialistes de Santiago Alba Rico me plaisent généralement, non seulement pour le langage limpide et assuré qui les caractérise, mais aussi par affinité idéologique. J’ai donc aimé son article Israël est le danger [Diagonal, N.؛ 35, 19-07-2006]. Quelques semaines plus tard, j’ai lu avec inquiétude la réplique de Raْl Sanchez Cedillo, Le danger, c’est la guerre (infinie) et le fanatisme [Diagonal, N.؛ 38, 14-09-2006], une collection de rengaines cryptosionistes de cette gauche décaféinée qui finit toujours par apporter de l’eau au moulin de ses sophismes. L’affrontement dialectique entre les deux penseurs méritait un débat de haut niveau, me suis-je dit et, sans trop y réfléchir, j’ai demandé la collaboration de deux personnages importants dans le domaine théorique de la résيstance palestinienne : l’un est Gilad Atzmon –ex-Israélien et ex-juif, musicien, écrivain et ennemi féroce du sionisme à partir d’une position non-marxiste – et l’autre est Khalid Amayreh, écrivain et journaliste palestinien respecté, collaborateur régulier de Middle East Internacional et Al-Ahram. Tous les deux ont accepté d’emblée. J’ai donc mis en marche la machine de Tlaxcala – le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique dont je fais partie -, traduisant en anglais les deux articles d’Alba Rico et Sanchez Cedillo pour les rendre accesibles à mes invités, puis traduisant en espagnol leurs réactions. D’autres membres de Tlaxcala traduisent ces quatre textes en français, en italien et en allemand (d’autres langues suivront) pour que, rapidement, la version multilingue du débat puisse être consultable sur www.tlaxcala.es et sur d’autres sites alternatifs.
Je cède donc la parole à Khalid Amayreh et Gilad Atzmon pour qu’ils enfoncent le clou d’une défense inconditionnelle et nécessaire du peuple palestinien, sans entraves sionistes, c’est-à-dire racistes. Voici donc le débat. Ami lecteur, informe-toi et participe, si tu le souhaites.

Traduit de l'espagnol par Fausto Giudice


C’est Israël, le danger

par Santiago Alba Rico

Depuis plus de soixante ans, l’Occident investit des sommes sans précédent en armement, en dollars et en paroles, à seule fin de cacher deux idées à la fois simples et terribles, lesquelles, mises ensemble, ont de quoi nous faire trembler. La première, c’est que la Palestine représente la faille morale du monde globalisé, le point de rupture sur lequel le monde est d’ores et déjà en train de se fracturer. Quant à la seconde, c’est qu’Israël constitue la plus grande menace non seulement pour la vie et la dignité des Palestiniens, mais aussi pour tout espoir de paix et de stabilité sur notre planète.

Les Palestiniens ne sont peut-être pas le peuple le plus brimé sur terre, mais ils sont manifestement le peuple le plus ouvertement brimé sur terre ; ils ne sont peut-être pas le peuple qui a le plus souffert, mais ils sont le peuple dont les souffrances sont les plus visibles, de manière continue. Paradoxalement, cette visibilité (que même les mensonges n’arrivent pas à cacher) rend les victimes encore plus vulnérables ; elle confère une sorte de dimension biblique à l’agression : l’autorité d’une intervention divine implacable, et, en face, les objets de l’ire divine, niés à la fois moralement et ontologiquement. Le résultat de ces exactions est le paradoxe suivant : plus les agressions israéliennes sont brutales, plus nous estimons coupables ceux qui en sont les victimes. Plus les Israéliens sont ouvertement hors-la-loi, plus la Résistance, et jusqu’à l’existence des Palestiniens semblent injustes et condamnables.

Aux yeux du monde, la capture légitime d’un soldat envahisseur apparaît, de fait, immédiatement comme un crime monstrueux et la cause première de la monstrueuse réponse israélienne. Une réponse qui menace de massacrer un million deux cent mille personnes et de détruire deux pays souverains ; la source religieuse de la légitimation du sionisme est ce concept euphémique que des lâches appellent « recours proportionné à la force » : à toute défense face à l’occupation répond un cataclysme, et la « disproportion » même de ce châtiment prouve bien, simultanément, l’existence de Yahweh et l’abjection de la victime.

Aucun Auschwitz n’a jamais renfermé 1 200 000 prisonniers ; mais c’est ce que fait Gaza. Aucun Auschwitz n’a jamais été ouvertement célébré ni accepté ; c’est le cas de Gaza. Ce que les nazis ont caché – manière pour eux de rendre leurs victimes sacrées – Israël l’exhibe sans honte – manière pour lui de rendre son agression sacrée. La publicité du crime alimente les ressources religieuses et extralégales qui gisent au cœur du sionisme, offrant au monde sa justification controuvée. Mais Israël ne pourra pas indéfiniment poursuivre cette agression religieuse devant toute l’humanité sans susciter des rébellions, son propre effondrement, voire les deux.

Israël n’est peut-être pas l’ةtat le plus injuste et criminel de l’Histoire, mais c’est un ةtat qui perpètre ses crimes depuis le plus longtemps sans discontinuer et avec la plus grande impunité. Il est né d’un crime, et chaque minute de la « normalité » de ses citoyens est contemporaine d’un nouveau crime. Il a en permanence ses origines criminelles devant les yeux, et il vit en permanence dans la généralisation de sa violence originelle, comme ces malédictions des tragédies grecques. Au cours d’une interview, remontant à 1984, Ariel Sharon disait qu’il était prêt à tuer un ou deux millions d’Arabes si cela pouvait faire en sorte qu’Israël devienne un « pays normal », avec un passé immoral, certes, mais avec un présent propre et décent. Il entendait, par là, que les Palestiniens sont nos « Indiens », nos « Morisques », nos « juifs ».

Eh bien non ! : tant que vos « juifs » palestiniens résisteront, vous serez condamnés à vivre en permanence dans votre passé criminel (et à devoir équilibrer ces origines criminelles avec vos origines « mythologiques » : l’Holocauste). Ce faisant, vous serez obligés de violer toutes les lois, de tuer des enfants dans leur lit, de démolir des maisons, de déraciner des vergers, d’ériger des murailles, de kidnapper des femmes, de bombarder des mosquées, d’enfermer des millions de personnes dans des ghettos où elles seront condamnées à tenter de survivre et de se morfondre dehors, de tuer des milliers de personnes de faim et de soif, de devenir fous à cause de cette hubris de Yahweh… et d’exporter votre terreur au Liban, en Syrie et peut-être en Iran. Votre loi implique nécessairement ce dilemme mortel : soit la Domination, soit l’Apocalypse.

Dans sa forge, Israël met le mépris de la vie propre à Al Qaïda, le « fondamentalisme » de l’Iran, l’ancien racisme de l’Afrique du Sud, l’arsenal nucléaire de la Corée du Nord, l’ancien nationalisme colonial de la Belgique et la puissance militaire de la Chine. Cette concentration inouïe de tous les dangers, incrustée dans la région la plus fragile et la plus convoitée de la planète, est soutenue – militairement et politiquement – par les ةtats-Unis, une superpuissance impérialiste débridée. Elle est également admise tant par l’Union européenne que par la plupart des gouvernements du reste du monde, y compris les régimes arabes tyranniques et ineptes. Ceux qui ne voient pas le danger, dans cette conjonction d’éléments, hurlent leur prière à l’Ange Exterminateur.

Traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier


Le danger : une guerre sans fin, plus le fanatisme

par Raْl Sanchez Cedillo

Nous avons publié « C’est Israël, le danger », de Santiago Alba-Rico, dans le numéro 35 de Diagonal (p. 5). L’auteur affirme, dans cet article, que « depuis plus de soixante ans, l’Occident investit des sommes sans précédent […] à seule fin de cacher deux idées […] : que la Palestine représente la faille morale du monde globalisé, le point de rupture sur lequel le monde est d’ores et déjà en train de se fracturer. Quant à la seconde, c’est qu’Israël constitue la plus grande menace […] pour tout espoir de paix et de stabilité sur notre planète. » Nous répondons ici à ce texte.

En dépit de la difficulté inhérente à cette question, j’irai droit au but : la thèse d’Alba Rico, exposée dès le titre et parcourant son texte telle un fil rouge, est bien connue de nous tous, car elle fait partie de cette guerre de déclarations à l’emporte-pièce qui, depuis le début du vingtième siècle, accompagne la dispute territoriale entre les Arabes palestiniens et les juifs (lesquels devinrent des Israéliens, après 1948). Mais ce qu’il y a de perturbant, là-dedans, c’est que cette contribution d’un Occidental – sympathisant de la cause palestinienne et donc, du même coup, partisan du panarabisme – n’ajoute rien de nouveau à la problématique : ni de nouvelles idées, ni de nouveaux arguments, ni de nouvelles propositions ou de nouvelles approches. En lieu et place, il contribue à consolider (dans [le contexte de] notre inclination éthique aussi bien que [de] notre indignation face à une guerre sans fin dans laquelle semble s’installer aujourd’hui le conflit palestino-israélien, et [de] notre désespoir devant la souffrance ininterrompue des populations du Moyen-Orient – à la fois la haine et le fanatisme qui précisément vont [immanquablement] nous empêcher de dire ou de faire quoi que ce soit de pertinent, en tant qu’Occidentaux, quoi que ce soit qui soit autre chose que le fait d’ajouter tant notre aspiration à la vengeance que notre cécité à un conflit qui a cessé d’être [seulement] régional depuis fort longtemps. Un conflit, comme le fait observer Alba Rico, qui se dirige vers une catastrophe de nature à détruire notre capacité de résistance rationnelle et collective, et qui nous contraindra, à n’en pas douter, à recevoir en partage notre quota d’horreur et de mort. Néanmoins, il semble que cet « anti-impérialisme » débridé considère que certaines catastrophes seraient plus acceptables que d’autres…

Comparaisons

Dans son allégation, Alba Rico ne laisse de côté aucune ressource rhétorique pour approfondir la plaie de la souffrance et pour la transformer en un encouragement à la rage anti-israélienne. Toutefois, jusqu’à présent, il n’y a que dans des textes révisionnistes que nous ayons constaté des vertus heuristiques de la comparaison ainsi poussées à l’extrême, comme cette juxtaposition des capacités respectives de Gaza et d’Auschwitz à contenir des prisonniers – et, bien entendu [à en croire Alba Rico], le premier de ces « camps » est, de loin, le pire. Posons-nous, voulez-vous bien, la question suivante, sans même nous demander ce que le célèbre révisionniste Mahmoud Ahmadinejad pourrait bien en penser : quelle cause peut-elle bien avoir amené des écrivains de gauche à avoir un tel mépris tant pour la signification historique et éthique de la Shoah que pour cette invention humaine dénommée Vernichtungslager, c’est-à-dire : camp d’extermination ? Quelle cause a-t-elle bien pu conduire à une telle comparaison outrageante, qui est l’exact contraire de l’exercice tant de la mémoire que de la réflexion appliquées à la chose la plus terrible de l’histoire contemporaine ? Une chose qui, comme l’a écrit Primo Levi, a imprimé de manière indélébile sur notre peau « la honte d’être des hommes » ? Une partie de la gauche occidentale, qui se considère « anti-impérialiste », est tombée malade de fanatisme et d’imposture, devant une réalité qu’elle ne comprend plus ; alors, elle s’accroche à certains mythes, qui ne sont ni fondés sur des êtres humains réels, ni sur les causes de leur incommensurable souffrance.

Une nouvelle narration

Rien, absolument rien ne pourra empêcher que les faucons israéliens, qui sont nombreux, n’entraînent leur pays au désastre, ni que les apôtres jihadistes de diverses confessions ne coulent à jamais tant la cause que l’existence même du peuple palestinien, en tant que sujet collectif, si nous ne sommes pas capables, tout de suite, de créer da capo une nouvelle narration tant du problème palestinien que du conflit palestino-israélien qui soient susceptibles de nous permettre de penser et de pratiquer une résistance qui conduise à la paix dans la région [et dans le monde], ainsi que de réaliser une justice qui ne signifie en rien l’annihilation de l’ennemi mortel de l’autre. Mais il faudra soumettre à la critique toutes les narrations fixant les termes d’une guerre entre des peuples et des ةtats. Il ne saurait y avoir de justification historique ni à la conquête – le « grand Israël » - ni à la « grande vengeance » encryptée depuis la fondation de l’ةtat d’Israël dans le mot d’ordre de « jeter les juifs à la mer ».

Nationalismes

A cette fin, nous avons besoin de rigueur, c’est-à-dire du contraire de la déformation des perspectives – cette Umkehrung, dans laquelle le meilleur des Nietzsche focalisait sa bataille solitaire contre la « rabies nationalis », c’est-à-dire ces « sentiments de vengeance et de ressentiment », qui étaient déjà concentrés, à la fin du vingtième siècle, sur les apôtres d’un « antisémitisme » sorti des presses, à l’époque. Le « sionisme », tellement vilipendé, fut le fruit d’une « rabies nationalis », d’une « rage nationaliste », qui dévasta la première moitié du vingtième siècle, et causa aux juifs d’Europe la plus atroce souffrance de toute leur histoire en tant que communauté. Le sionisme et un nationalisme, c’est la volonté collective d’avoir un pays, portée par ceux qui n’en ont jamais eu, depuis la Diaspora. Le sionisme est-il pire que n’importe quel autre nationalisme, en particulier depuis la disparition du contenu progressiste de la « libération nationale » (avec son corollaire, dans l’extraordinaire conjecture, tant chez Lénine que chez d’autres auteurs : la révolution socialiste) ? De ce point de vue, le sionisme, certes, est porteur d’autant de violence qu’en comporte inévitablement la construction de toute nation.

Toutefois, le sionisme est [ici] accusé d’un « crime » : le fait d’avoir été constitué en ةtat, en 1948, après que les Nations Unies se furent lavées les mains en pondant une résolution fixant les modalités d’un partage du territoire colonial de la Palestine, amenant des hommes politiques responsables (tant Arabes que Palestiniens) ne l’acceptant pas, à déclarer la guerre à l’ةtat d’Israël encore dans ses langes. Ou bien alors, peut-être le crime était-il cette migration progressive de pionniers juifs, depuis le début du vingtième siècle, qui allaient s’installer en Palestine, afin d’y acheter des terres et de bâtir une communauté politique, et un futur ةtat juif ? La Nakba [catastrophe] palestinienne a alors commencé, au moment où le rejet par des élites panarabes de ce qui avait été irréversiblement présenté comme une défaite politique et militaire qui n’a fait que s’aggraver depuis lors. Là réside la tragédie permanente, marquée par la guerre, par la résistance et les innombrables désastres politiques et diplomatiques tant des divers leaderships palestiniens que des ةtats panarabistes, depuis la Guerre des Six Jours jusqu’à l’autodissolution de l’OLP consécutive à la signature d’Oslo.

Nul ne saurait dissimuler les terribles crimes, présents et passés, de l’ةtat d’Israël ; l’épuration ethnique perpétrée tant par l’Irgoun que par la Haganah durant la guerre de 1948 et connue, désormais, grâce aux « nouveaux historiens israéliens », ni la folie incarnée par les élites israéliennes, voici quelques années de cela. Néanmoins, l’existence d’Israël ne saurait être remise en cause, tout au moins en tant que point de départ vers une perspective de paix et de justice. En 1968, Jean-Paul Sartre considérait « insensé » d’attribuer le « rôle de l’agresseur » à l’ةtat d’Israël, dans la guerre de 1948. Le recours intoxiquant à la vieille histoire des « complots sioniste et impérialiste » à propos de la création d’Israël a, depuis lors, contribué – et continue à contribuer, aujourd’hui – à rendre inaccessible l’objectif historique du peuple palestinien, à savoir un ةtat viable et démocratique, dans la région.

Traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier


Le danger, c’est le bourrage de crâne

par Gilad Atzmon

Les années m’ont appris que si les débats intellectuels et les controverses idéologiques sont censés constituer des événements éclairants, dans la plupart des cas, ils sont dans la plupart des cas emmerdants comme la pluie. Reste qu’une bonne manière d’épicer un peu un débat fadasse consiste à dénoncer les diverses méthodes et tactiques auxquelles les débatteurs ont recours. Autrement dit : plutôt que d’essayer d’évaluer ou de saisir un argument donné en fonction de ce qu’il entend éventuellement révéler, on peut s’efforcer de mettre au jour ce qu’un argument donné a pour seule fin de cacher.

Dans un article récemment publié par Diagonal sous le titre « C’est Israël, le danger », Santiago Alba Rico affirme qu’Israël représente la plus grave menace pour la paix mondiale. Il semble qu’Alba Rico retire une vision éthique de ce qu’est Israël de la dernière phase atteinte par la brutalité israélienne. De fait, à en juger au niveau d’agression atteint par Israël au Liban et à Gaza l’été dernier, il ne reste guère d’espace pour le doute. Israël est moralement en faillite.

Bien qu’Alba Rico présente une argumentation valable, pertinente, aiguisée, concise et nette, sa base de départ est quelque peu évidente. Il se contente d’accuser de meurtre l’assassin en plein jour. Néanmoins, c’est en cela que réside la très grande force de son argumentation. Des penseurs remarquables sont capables de faire en sorte que la complexité semble simple, rétrospectivement. Leur rôle consiste à crier que le roi est nu, avant que quiconque d’autre ne l’ait fait. Les grands philosophes n’ont pas besoin de raisonnements historiques. Ils se débrouillent très bien, en l’absence de toute pièce à conviction. Ils vivent très bien sans références bibliographiques et sans citations interminables. Ils se contentent de communiquer raisonnablement, en appliquant la raison. Les philosophes qui, de surcroît, s’attèlent aux questions morales, ont tendance à être en phase avec les esprits libres et éthiques. C’est là, très précisément, ce que fait Alba Rico, avec grand succès.

Alba Rico n’est pas un politicien ; il ne cherche pas à suggérer une solution au conflit, il ne lance aucun appel à « jeter les juifs à la mer ». Il se contente de faire observer qu’Israël est en train de nous conduire à une catastrophe imminente.

La tâche d’Alba Rico semble aisée ; fondamentalement, il accuse de meurtre le massacreur en plein jour. En revanche, Sanchez Cedillo vise l’impossible : dans un article publié dans Diagonal (« Le danger : une guerre sans fin, plus le fanatisme »), Sanchez Cedillo tente de réfuter Alba Rico en se faisant l’avocat d’Israël…

De fait, Sanchez Cedillo s’attelle à une tâche quasi impossible ; il se lance sur une piste que même les sionistes s’efforcent d’éviter, et ce, depuis pas mal de temps. En fait, les sionistes ne tiennent plus de « discours d’autojustification ». Avec le soutien de l’Amérique et des centaines de bombes nucléaires à leur disposition, le droit à l’existence d’Israël est maintenu à la pointe de l’épée, ou plus précisément, par des millions de bombes américaines à sous-munitions, prêtes à être lancées.

La décision qu’a prise Sanchez Cedillo de défendre une argumentation en faveur de l’existence de l’ « ةtat réservé aux seuls juifs » [le ‘Jews Only State’, le JOS, NdT], doit donc être perçue comme une tâche héroïque. Après Jénine, après Gaza et après Beyrouth, il est extrêmement difficile d’offrir à Israël une défense et illustration morale. Sanchez Cedillo fait du mieux qu’il peut, et c’est la raison pour laquelle un examen scrupuleux de son argumentation est extrêmement important, car il nous permet d’avoir un aperçu de ce qui reste du « discours d’autojustification » sioniste.

Bourrage de crâne

Il est parfaitement établit que, dans le discours libéral démocratique d’après-guerre, celui qui domine le « signifié » et celui qui donne sa forme à la réalité. Autrement dit, si vous voulez gagner, vous devez apprendre à maîtriser la propagande. Bourrer le crâne aux gens, c’est leur dicter des signifiés. Faire de la propagande, c’est aider les gens à cesser de penser de manière indépendante et éthique. C’est détourner l’attention du public, c’est détacher l’auditoire de la réalité, c’est détacher les gens d’eux-mêmes, c’est rendre les individus aveugles à leurs propres intuitions premières.

1 – Nom de code : ‘Israël’

Les sionistes ont tendance à dissimuler le fait qu’Israël n’est rien d’autre qu’un nom de code pour un ةtat national expansionniste aux fondements raciaux. Israël est, fondamentalement, un nom de code servant à désigner l’ « ةtat réservé aux seuls juifs ». Israël n’est pas simplement un ةtat-nation innocent comme tente de nous le faire accroire Sanchez Cedillo, il s’agit bien plutôt d’un ةtat raciste, aux lois discriminatoires déjà dénoncées par Hannah Arendt dans les années 1960, et qui ne diffèrent pas catégoriquement des infâmes lois de Nuremberg.

Une fois que vous avez compris que le ‘signifiant’ Israël n’est rien d’autre qu’un ‘truc’ dont la seule raison d’exister est de dissimuler le sinistre agenda sioniste raciste, vous êtes fondé à remplacer le terme soi-disant innocent d’ « Israël » par sa signification réelle, à savoir l’ « ةtat réservé aux seuls juifs. »

Dans son commentaire, Sanchez Cedillo suggère que « l’existence d’Israël ne saurait être remise en cause, tout au moins en tant que point de départ vers une perspective de paix et de justice. »

A première vue, cette citation semble une affirmation innocente et légitime. Toutefois, une fois le mot « Israël » remplacé par sa véritable signification idélogique, nous obtenons :

« l’existence de l’ةtat réservé aux seuls juifs ne saurait être remise en cause, tout au moins en tant que point de départ vers une perspective de paix et de justice »…

A l’évidence, du point de vue éthique, la citation modifiée est une absurdité qui en dit long. A l’évidence, le concept d’ « ةtat réservé aux seuls juifs » doit être remis en cause avant toute discussion à propos de « la paix » ou de « la justice ». Ce qui est très inquiétant, c’est le fait que Sanchez Cedillo, tout en le sachant parfaitement, préfère, plutôt que raisonner avec ses lecteurs, les embobiner, détourner leur attention, à seule fin de gagner la partie, tout en dissimulant la vérité.

2 – Aucun business n’arrive à la cheville du Shoah business

Dans sa réfutation, Sanchez Cedillo repousse toute comparaison entre Auschwitz et Gaza. Son argumentation semble valide, à première vue : alors qu’Auschwitz était un « camp de la mort », Gaza est « simplement » une prison géante, où plus d’un million de prisonniers affamés sont bombardés et investis quotidiennement par la puissante armée de l’ « ةtat réservé aux seuls juifs ». Et puis, regardons les choses en face : ces prisonniers respirent encore ! Il peut se faire que quelqu’un admette qu’il s’agit là véritablement d’un argument imparable, dès lors que le quelqu’un en question a été mentalement, intellectuellement, émotionnellement ou physiquement circoncis. De fait, les sionistes et leurs thuriféraires ont un mal fou à comprendre la raison pour laquelle l’argument cité plus haut n’arrive pas à franchir les murs du ghetto juif et du discours sionocentrique.

Je vais essayer des les aider. Dès lors que ce sont précisément les sionistes et leurs thuriféraires qui bloquent catégoriquement tout processus de réexamen et de révision de la Seconde guerre mondiale et du judéocide nazi, la Shoah est en train de se transformer rapidement en un bourrage de crâne politique, en cessant d’être un enrichissement moral vivant et authentique. Au lieu d’exercer leur esprit critique à propos de l’Holocauste, les Européens sont aujourd’hui assujettis à des lois qui déterminent la vérité de ce que fut Auschwitz. Plutôt que de se confronter à Auschwitz du point de vue éthique en tant qu’êtres libres, les Européens sont condamnés à accepter une unique narration strictement délimitée et ayant une implication morale et politique très précise, pour ne pas dire une interprétation. Autrement dit, c’est l’hégémonie sioniste sur le discours historique qui a transformé Auschwitz en un fait isolé et momifié, qui continue à perdre sa pertinence tandis même que je finis d’écrire cette phrase.

En revanche, la réalité de Gaza, de Jénine, de Bint Jbeïl et de la banlieue sud de Beyrouth est le résultat d’une réaction authentiquement éthique se développant à l’intérieur de toute pensée et de tout esprit libres. ةprouver de l’empathie pour les Palestiniens est la conséquence directe du simple fait d’être au monde. C’est la raison pour laquelle cette empathie prend de si nombreuses formes, de si nombreux aspects. Alors qu’Auschwitz est devenu partie intégrante de la politique occidentale contemporaine et qu’il est intrinsèquement associé à tout ce que nous détestons dans le discours politique occidental, ressentir de l’empathie envers les Palestiniens, c’est rédimer l’humanisme, c’est prendre fait et cause pour David et l’aider à vaincre Goliath.

L’invocation des grands gourous

Parvenu au terme de sa réfutation, Sanchez Cedillo martelle que « l’existence d’Israël ne saurait être remise en cause ». Au cas où quelqu’un se demanderait : « pour quelle raison, au juste ? », Sanchez Cedillo s’empresse d’apporter la réponse : « En 1968, Jean-Paul Sartre considérait « insensé » d’attribuer le « rôle de l’agresseur » à l’ةtat d’Israël, dans la guerre de 1948 ». Alors, pensez-vous en vous-même, « l’ « ةtat réservé aux seuls juifs » devrait se voir accorder un droit inconditionnel et illimité dans le temps à exister, simplement parce que le grand Jean-Paul Sartre était soit mal informé, soit intellectuellement handicapé, en 1968 » ? ! ?

Permettez-moi de suggérer que s’il s’agit là de la meilleure entourloupe dont soient capables les défenseurs d’Israël, Israël et le sionisme feraient mieux de ne compter que sur leurs canons, leurs chars et leurs avions de guerre ! Ne serait-ce qu’intellectuellement, le droit à l’existence de l’ « ةtat réservé aux seuls juifs » est en effet manifestement insupportable.

Traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier


La paix exige la disparition du sionisme

par Khalid Amayreh

Je suis un Palestinien, qui vit depuis plus de 39 ans sous le joug de l'occupation militaire israélienne, et qui a perdu trois oncles innocents sous les balles de l'occupant. En tant que tel, je devrais pouvoir sans problème comparer Israël à l'Allemagne nazie.

Il est évidemment vrai qu'Israël n'a pas mis en place des chambres à gaz dans les villes et villages palestiniens. Cependant, comme de par le passé, Israël tue et tourmente sans trêve les Palestiniens en utilisant toute une variété de méthodes qui, par leur brutalité et leur malfaisance absolue, ne diffèrent pas significativement, par essence, du comportement des nazis.

En outre, il est d'une importance cruciale de se rappeler que l'holocauste nazi n'a pas débuté avec Auschwitz ni Bergen-Belsen, mais bien plutôt avec une idée, un livre et une "Nuit de Cristal", le genre de choses qui, de nos jours, abondent sans frein dans l'imaginaire collectif israélien, tandis que la société juive israélienne continue de dériver vers un fascisme religieux et ultra-nationaliste.

Ce n'est pas un glissement du sionisme libéral vers un sionisme religieux, comme le soutiendraient certains apologues pro-Israéliens. Il n'y a rien qui ressemble de près ou de loin à un "sionisme libéral" ou à un "sionisme démocratique". Ce sont des expressions contradictoires, [des oxymorons, NdT].

On nous dit que le propos du sionisme est de "construire un foyer national pour les juifs." Cependant, pour ses millions de victimes, le sionisme, c'est le déracinement et l'expulsion de la majeure partie du peuple palestinien hors de son foyer ancestral, et sa dispersion vers les quatre coins du monde, par le biais de la terreur organisée et de la violence. C'est là le hideux visage du sionisme que l'Occident, en grande part, refuse de regarder en face.

En effet, dès ses balbutiements, le sionisme considérait la Palestine comme "une terre sans peuple pour un peuple sans terre". Cette négation arrogante de l'existence même de mon peuple ne trouve pas son origine dans une ignorance de la réalité. C'était l'expression d'un racisme violent et virulent, très semblable à celui des barbares européens blancs qui exterminèrent six millions d'autochtones amérindiens et nommèrent ce génocide "Destin manifeste". [1]

Les sionistes savaient fort bien que la Palestine était peuplée de centaines de milliers de chrétiens et de musulmans. En 1898, une délégation sioniste, qui visitait la Palestine pour évaluer dans quelle mesure il était faisable de la transformer en un ةtat juif, envoya un télégramme lapidaire qui résumait la situation. "La mariée est superbe, mais elle est l'épouse d'un autre homme." Néanmoins, le mouvement sioniste persista dans sa détermination inflexible à vouloir ravir la mariée à son époux légitime.

Ce fut un viol pur et simple, c'est encore un viol pur et simple, et ce sera toujours un viol, et rien n'y change, que les faiseurs de mythes soient célébrés et leurs mythes glorifiés.

En fait, malgré déjà cinquante années d'existence de l' "ةtat des juifs", le but inavoué et cependant ultime d'Israël demeure l'expulsion des Palestiniens, en majorité ou en totalité, hors de la zone qui s'étend du fleuve Jourdain jusqu'à la mer Méditerranée.

En effet, n'importe quel observateur occasionnel des médias israéliens sera confronté ces temps-ci, quasi quotidiennement, à des remarques et des déclarations émanant d'officiels israéliens, parmi lesquels des membres de la Knesset [2] et des ministres, qui en appellent à un "transfert" des Palestiniens, pas seulement hors de la Cisjordanie, de Gaza et de Jérusalem-Est, mais aussi hors d'Israël lui-même.

"Transfert", voilà un mot qui est loin d'être innocent. Ce n'est rien d'autre qu'un euphémisme pour "génocide", au moins un génocide partiel, puisqu'il est à peu près impossible de mener à bien l'expulsion en masse et le nettoyage ethnique de millions de personnes hors de leur patrie sans recourir au meurtre et à la terreur de masse.

Eh bien, n'est-ce pas justement la méthode qu'utilisèrent avec libéralité les légions sionistes en 1948, afin de forcer la majeure partie des Palestiniens à quitter leurs villes et villages ? [3] Dans son livre "The Revolt" [4], Menahem Begin n'a-t-il pas comparé le massacre de Deir Yassin à un miracle parce qu'il poussa des centaines de milliers de Palestiniens terrorisés à fuir ?

Nous devons impérativement appeler une pioche une pioche, particulièrement lorsqu'elle est entre les mains de nos fossoyeurs [5]. Les sionistes sont comparables aux nazis, parce que leurs actions et leur comportement sont comparables et similaires aux actions et au comportement des nazis.

Car, si les nazis cherchèrent à effacer les juifs en tant que peuple, les sionistes [6] ont cherché à effacer les Palestiniens en tant que peuple. Il ne s'agit pas seulement du dédain de Golda Meir demandant "Quels Palestiniens ?" ou de certains officiels israéliens nous qualifiant avec mépris de "Gens de nulle part" [7]. La destruction systématique de quelques 460 villes et villages palestiniens par Israël (1948-1952) fut un acte nazi de premier ordre, qui impliquait une indifférence et une négation absolues de et envers "l'Autre", sans nulle raison que la non-judéité des victimes. (Les maigres ruines de certaines de ces localités peuvent encore être observées aujourd'hui, et ont fait l'objet d'une documentation et d'une recension méticuleuse dans l'ouvrage monumental de Walid Khâlidî "All that Remains") [8].

Malheureusement, ce modus operandi [9], fait de racisme haineux et de terreur, reste central dans la politique israélienne envers le peuple palestinien. Il n'y a pas de preuve plus flagrante des intentions malveillantes d'Israël que la construction à marche forcée de centaines de colonies exclusivement juives en territoire occupé. Oui, tout ici est "réservé aux juifs". Colonies "réservées aux juifs", routes "réservées aux juifs", piscines "réservées aux juifs", et même les droits "réservés aux juifs", puisque les non-juifs sont considérés, par une fraction des juifs israéliens qui va s'élargissant, comme les fils d'un Dieu inférieur, voire carrément comme de simples animaux.

Et maintenant, voilà que nous avons ce mur gigantesque et maléfique, dont le but prétendu est d'empêcher les combattants palestiniens de s'infiltrer en Israël, alors que son objectif réel est d'annexer et de voler la part la plus étendue possible du territoire palestinien.

En 2004, la Cour internationale de Justice de La Haye a jugé que le Mur était illégal et devait être démantelé. Pourtant, Israël, soutenu par son allié-garde du corps, les ةtats-Unis, a bravé le jugement avec arrogance, accusant implicitement la Cour et ses juges d'antisémitisme.

Outre les colonies, dans lesquelles demeurent les juifs les plus violents et racistes qu'on puisse trouver au monde, Israël a toujours cherché à rendre la vie des Palestiniens si insupportable qu'ils soient contraints à l'émigration.

Afin de réaliser cet objectif maléfique, les gouvernements israéliens successifs (qu'ils soient menés par le Parti travailliste [10] ou le Likoud [11]) ont employé toutes les astuces légales concevables, y compris la mise en place d'un double système judiciaire, libéral pour les juifs, intraitable pour les non-juifs.

L'une des manifestations de cet apartheid judiciaire réside dans l'incarcération à durée flexible de milliers d'activistes, d'étudiants, de professionnels et de professeurs d'université palestiniens, de même que des politiciens, y compris des législateurs et des ministres, sans inculpation ni procès. (Depuis 1967, Israël a arrêté plus de 800 000 Palestiniens).

Lorsqu'il est apparu que ce système de répression institutionnalisée, notoirement insidieux, avait échoué à faire émigrer les Palestiniens en nombre, Israël recourut à une violence physique éhontée, terrorisant et tuant les Palestiniens à la moindre "provocation", une violence fort semblable à celle des armées hitlériennes à travers l'Europe occupée il y a plus de soixante ans.

Il allait sans dire que les incursions et les raids de "pacification" israéliens laisseraient nombre d'enfants et de femmes sans vie, de maisons détruites, de fermes pulvérisées, de meubles vandalisés, et de routes et infrastructures rasées au bulldozer. En bref, sous prétexte de "combattre le terrorisme", cette entité comparable aux nazis commet toutes formes concevables de crimes. Suite à quoi la plupart des médias occidentaux répètent comme des perroquets la version israélienne, comme si les porte-parole de l'armée israélienne étaient les parangons de la véracité et de l'honnêteté.

En dernière analyse, lorsque les juifs [12] (ou qui que ce soit d'autre) se comportent comme les nazis, ils doivent être comparés aux nazis. En effet, un pays qui envoie ses chasseurs-bombardiers F-16 larguer des bombes d'une tonne sur des immeubles résidentiels au beau milieu de la nuit, où sont endormis des femmes et des enfants, un tel pays fait preuve d'une mentalité moralement proche de celle de la Gestapo.

De plus, une armée dont les soldats assassinent avec insouciance et enthousiasme des enfants en chemin vers leur école, puis s'assurent de leur décès en leur déchargeant vingt balles supplémentaires dans la tête, ainsi qu'il est arrivé à Iman Al Hamas dans la ville de Rafah il y a presque trois ans, et dont les soldats qui se sont ainsi comportés sont blanchis et reçoivent une compensation financière, une telle armée n'est pas réellement une armée de soldats professionnels, mais une armée de voyous, de gangsters et de criminels de droit commun. C'est une armée qui ne diffère que fort peu de la Wehrmacht [13].

Oui, des Palestiniens ont commis des attentats-suicide à la bombe contre des civils israéliens et ont tué des quantités d'Israéliens innocents, souvent en représailles pour le massacre d'enfants palestiniens par l'armée israélienne et les colons juifs paramilitaires. Je condamne totalement et sans aucune hésitation ces crimes suicidaires commis contre des Israéliens innocents. [14]

Néanmoins, Israël ne peut pas mener les Palestiniens au bord de l'extermination physique et de leur disparition en tant que nation, et en même temps hurler "Hamas, terrorisme, attentats-suicide".

Le poète usaméricain Auden a écrit :

"Le grand public et moi-même savons

Ce que tous les écoliers apprennent

Qui subit le mal

Fera le mal en retour" [15]

Et en effet, que ferait n'importe quel peuple après 59 années d'oppression "quasi-nazie" qui défie l'imagination ? Que ferait n'importe quel peuple forcé de choisir sa mort : dans l'abattoir juif [12] ou en commettant un attentat-suicide à la bombe ?

Israël affirme ne pas tuer délibérément d'enfants ni de civils palestiniens. Il s'agit là d'un mensonge manifeste et éhonté. Une erreur peut se produire une, deux, dix fois. Mais lorsque le massacre de civils se produit quasi-quotidiennement, cela s'appelle une politique. En dernière analyse, tuer sciemment, c'est tuer délibérément.

Aujourd'hui, Israël empêche des millions de Palestiniens de se procurer nourriture et travail, ce dont furent également empêchés par la Gestapo les habitants du ghetto de Varsovie. A Gaza, Israël a bombardé et détruit la majeure partie des infrastructures civiles, incluant des écoles, des universités, des routes, des ponts, des oeuvres de charité, ainsi que des milliers de maisons, tout cela sous prétexte de libérer un soldat israélien [16]. Israël a également détruit la seule centrale électrique de Gaza, contraignant 1,4 million de Gazaouïtes à vivre dans l'obscurité totale ou partielle. [17]

C'est toujours le même Israël qui vient de détruire une bonne partie du Liban et de larguer 1,5 million de bombes à sous-munitions sur tout le Sud-Liban.

Eh bien, 1,5 million de bombes peuvent tuer au moins 1,5 million d'enfants.

Je sais parfaitement que les apologues pro-Israéliens, parmi lesquels certains s'affirment héritiers de la grande tradition de gauche d'opposition à l'oppression, sont tentés de façonner une certaine symétrie morale entre Israël et les Palestiniens.

Mais, honnêtement, on pourrait demander : quelle symétrie peut-il bien y avoir entre le violeur et sa victime, entre l'occupant et l'occupé, entre le colon fanatique armé et le paysan palestinien terrifié qui doit s'en remettre à la protection des "volontaires de la paix" occidentaux face au vandalisme et à la sauvagerie du colon ?

Y a-t-il il un espoir de solution pacifique à cet amer conflit qui dure ? Certainement, et il réside dans le démantèlement du sionisme et la création d'un ةtat unique, civique et démocratique en Palestine-Israël, où les juifs et les arabes vivraient en citoyens égaux comme vivent aujourd'hui en Europe de nombreux juifs et arabes.

Je dis que le sionisme doit disparaître car le concept d' "ةtat juif" implique nécessairement un racisme intrinsèque envers les non-juifs [16]. Heureusement, il existe des juifs [12] de conscience et de bonne volonté qui s'accorderaient sur une telle solution. Ils sont nos partenaires naturels pour la paix.

Traduit de l'anglais en français par Xavier Rabilloud.


Notes du traducteur

[1] Lire à ce sujet de Rodrigue Tremblay "Le mythe du « destin manifeste », rebelote" sur : http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=1052&lg=fr

[2] La Knesset est le parlement israélien.

[3] Emblématique de cette politique fut le massacre de Deir Yassin le 9 avril 1948. Les habitants de ce village, qui avaient pourtant passé un accord de non-agression avec les juifs, furent massacrés par l'Irgoun de Menahem Begin (qui deviendra plus tard Premier Ministre d'Israël et… prix Nobel de la paix !). Au sujet de cette politique d'expulsion dans son ensemble, on pourra lire avec profit "La guerre de 1948 en Israël" de l'historien israélien Ilan Pappé, qui adopte une position intermédiaire entre celle défendue par le non moins célèbre historien israélien Benny Morris (chronologiquement le premier des "nouveaux historiens" israéliens), et celle défendue par l'historien palestinien Walid Khâlidî. Les divergences d'interprétation portent notamment sur le "plan D" (ou "plan Dalet", "Dalet" étant la lettre D dans l'alphabet hébreu) et sur sa dimension de préméditation et d'organisation de l'expulsion des Palestiniens par la destruction, la terreur et les massacres.

[4] Littéralement "La révolte". Livre en anglais : Menahem Begin, The Revolt, Dell Books, New York NY, 1978.

[5] "to call the spade a spade", littéralement "appeler la bêche, une bêche", c'est-à-dire en français : appeler un chat, un chat. Je n'ai pas ici traduit par l'expression française habituelle, afin de conserver l'image choisie par l'auteur.

[6] Le lecteur remarquera qu'il s'agit bien ici des "sionistes" et non des "juifs", entre lesquels il n'y a nullement identité. On peut être juif et anti-sioniste, comme l'on peut être sioniste et non-juif, lorsque ce n'est pas sioniste et anti-sémite (cf certains chrétiens fondamentalistes et sionistes aux Etats-Unis par ex.).

[7] "Never-landers"

[8] Littéralement, "Tout ce qui reste".

[9] Littéralement "mode opératoire" en latin.

[10] Le Parti travailliste (HaAvoda) est le grand parti de "gauche", actuel allié gouvernemental du parti karima de Ehud Olmert

[11] Le Likoud est le grand parti de droite des héritiers de Vladimir Jabotinksy, chef de file des sionistes dits "révisionnistes" et- grand ami de Mussolini. Après l'entrée en coma d'Ariel Sharon, il a été détrôné par le nouveau parti créé par Ehud Olmert, Kadima.

[12] Il serait à mon sens bien plus judicieux de parler ici des "Israéliens" ou des "sionistes" et non des "juifs". En effet, c'est là se soumettre à son insu au propre discours d'Israël, qui se veut l' "ةtat des juifs" et non pas l'ةtat de tous ses citoyens. C'est également, et peut-être d'abord, reprendre implicitement à son compte la croyance qu'Israël et les sionistes s'efforcent de répandre, à savoir que les juifs soutiennent unanimement l'existence d'Israël en tant qu'ةtat juif, ou du moins sa politique. A mon sens, l'auteur commet ici une erreur qui, pour fréquente qu'elle soit, n'en est pas moins très dommageable. En clair, les Israéliens sont certes des juifs à 80% (puisque 20% d'entre eux sont des Palestiniens, non-juifs, intégrés à l'Etat d'Israël, de manière relative puisqu'ils sont des "citoyens de seconde zone" avec des droits inférieurs), et en nommant Palestiniens ceux qui vivent en Israël, on pourrait aller jusqu'à dire que les Israéliens sont des juifs, MAIS les Israéliens ne sont pas (tous) LES juifs !

Le langage est aussi une des armes qu'affectionne Israël, et puisque ce texte met en exergue la légitimité d'une comparaison entre Israël et le régime nazi, il faut rappeler ici l'analyse que le philologue juif allemand Victor Klemperer a faite de la langue asservie par le nazisme dans son magnifique journal "LTI : Lingua Tertii Imperii, la langue du IIIe Reich". Il y reconnaît la difficulté à s'abstraire des modalités du discours nazi, auquel les juifs allemands, et Klemperer lui-même, pourtant linguiste, succombent sous ses yeux. Autre point résolument important, il établit clairement une comparaison et un parallèle étroit entre le discours de Hitler dans "Mein Kampf" [Mon combat] et celui de Theodor Herzl (principal leader et théoricien du sionisme fin XIXe - début XXe siècles) dans son ouvrage "fondateur" du sionisme, "L'ةtat des Juifs".

[13] La Wehrmacht est l'armée de l'Allemagne nazie.

[14] Il n'en reste pas moins que l' "innocence" de ceux qui, parmi les citoyens d'un pays né d'une telle injustice et d'une telle violence, ne s'élèvent pas contre cette injustice et cette violence, cette innocence-là peut être sujette à discussion. Cela ne justifie bien sûr en rien le recours au terrorisme à leur encontre, et, bien évidemment, les civils israéliens victimes des attentats-suicide ne sont pas tous, loin s'en faut, d'inconditionnels supporters de la politique sioniste, et parmi les familles touchées, certaines se sont organisées en faveur de la paix, faisant montre d'une admirable capacité à comprendre le malheur du peuple palestinien, et donc à pardonner.

[15] "I and the public know / What all school children learn / Those to whom evil is done / Do evil in return"

[16] C'est le traducteur qui souligne

[17] Si seulement il ne s'agissait que d'obscurité ! L'absence d'électricité est bien plus dramatique que cela. Voir par exemple ce qu'en écrivait le 5 juillet 2006 le Dr Virginia Tilley dans son article "Mourir de faim dans le noir – Les bombardements épouvantables de la Bande de Gaza".

[18] Ici encore, on peut regretter que l'auteur se laisse aller à un amalgame entre racisme (qui de la part des Israéliens s'exerce envers la figure de l'arabe, et non pas envers la figure du gentil, c’est-à-dire du non-juif) et une autre forme d'ostracisme, religieux celui-là et également bien réel, envers les non-juifs. Mais je ne vois pas comment on peut le nommer "racisme". Il y a dans l'attitude israélienne deux formes distinctes et complémentaires de rejet, qu'il ne faut pas confondre.
A mon sens, et c’est un point de débat plus qu’une certitude, considérer l’antisémitisme ou l’islamophobie comme des sous-catégories du racisme, me semble, sinon erroné, au moins réducteur : je vois là plutôt des formes d’ostracisme et d’essentialisme influencées ou dérivées du racisme, mais qui ne s’y confondent pas.


Les auteurs

Le philosophe Santiago Alba Rico a écrit de nombreux essais et ouvrages traitant d’anhropologie, de philosophie et de science politique. Il vit dans le monde arabe depuis dix-huit années, et il a traduit en espagnol le poète égyptien Naguib Surur et l’écrivain irakien Mohamed Judayr.

Raْl Sanchez Cedillo appartient à l’Universidad Nَmada (Espagne)

Gilad Atzmon (photo de titre à droite) est un célèbre musicien de jazz, philosophe, écrivain et militant.

Khalid Amayreh (photo de titre à gauche) est un journaliste palestinien résidant à El Khalil (Hébron) en Cisjordanie. Il collabore à de nombreuses publications. On peut trouver nombre de ses articles traduits en français sur le site de Tlaxcala.


Traduit de l'anglais et de l'espagnol par Manuel Talens, Xavier Rabilloud et Fausto Giudice, membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique.

liens
http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=1398&lg=fr

jeudi, octobre 26, 2006

Qu'est-ce que représente 20 tonnes d'explosifs ?

Par Amira Hass
Haaretz, le 18 octobre 2006article original :
"What are 20 tons of explosives?"

Le Hamas a introduit clandestinement 20 tonnes d'explosifs dans la Bande de Gaza, sans compter les missiles anti-aériens et antichars. C'est ce que les Forces de Défense d'Israël [FDI] ont calculé et, pendant plusieurs jours, elles se sont assurées que les médias israéliens étaient gavés de cette information effrayante, soulevant le spectre d'attaques du type de celles du Hezbollah.

Malgré les dénégations un peu molles de la part du Hamas, ces statistiques sont crédibles. L'information israélienne sur cette contrebande d'armes est confortée par la pensée simpliste des groupes palestiniens et de leur désir de se livrer à une émulation : Le Hezbollah a vaincu Israël, donc armons-nous comme le Hezbollah ! La résistance armée à fait ses preuves au Liban, pensent-ils, et elle fera aussi ses preuves pour nous. Des questions mineures telles que l'étendue géographique très différente, la densité de la population et l'isolement de la Bande de Gaza du reste du monde n'affectent pas la considération d'imiter [le Hezbollah].

Pas plus que les analyses plus complexes montrant que le Hezbollah s'est trompé dans ses calculs politico-militaires et qu'il ne s'attendait pas à une riposte israélienne aussi destructive. Cette envie de faire pareil est particulièrement indifférente à des questions comme : Combien de professeurs grévistes pourraient toucher leurs salaires avec l'argent qui est payé à ceux qui se procurent les armes ou qui creusent les tunnels ? Et, les six dernières années n'ont-elles pas démontré qu'en s'en prenant aux Israéliens à l'intérieur des frontières de l'Etat cela ne fait que renforcer le soutien du public [israélien] à la politique d'occupation de son gouvernement ? Les mimiques palestiniennes en matière d'armement se retrouvent du même côté de la barricade que l'institution de la sécurité israélienne, les deux gonflant l'importance des armes palestiniennes.

À chaque fois que les fonctionnaires militaires israéliens signalent les dangers qui nous attendent du côté palestinien, ils sont aidés par trois phénomènes. D'abord, en Israël, l'information provenant des sources militaires sur les Palestiniens (au contraire de l'information sur la dernière guerre au Liban ou des autres guerres en général) est considérée comme neutre, non pas motivée par quelques intérêts personnels ou de groupes mais par des motivations et des préoccupations purement patriotiques pour le bien de la nation. Deuxièmement, nombres d'Israéliens oublient simplement leur expérience militaire riche. Tous- y compris les soldats actuels, les anciens combattants et leurs familles - deviennent des civils naïfs, convaincus par les images de la télévision montrant des hommes masqués courant dans les villes palestiniennes assiégées, que "le camp d'en face est va-t-en-guerre" (et que nous sommes ceux qui recherchent la paix).

Enfin, en contraste à l'armement palestinien, qui est facile à évaluer, il est impossible d'évaluer la quantité "d'explosifs" détenus entre les mains israéliennes - tous ces différents types d'obus et de bombes, toutes ces armes que les soldats israéliens utilisent ou utiliseront. Le Bureau du Porte-parole des FDI ne divulgue pas cette information. Mais, ce que l'on peut dire, c'est que ces quantités sont énormes et qu'elles sont constamment réapprovisionnées, soit par les importations, soit par l'industrie florissante de l'armement en Israël. Avant la récente guerre du Liban, quelqu'un avait-il calculé combien de millions de bombes à fragmentation Israël avait en stock (dont 1,2 millions ont été tirées pendant cette guerre, ainsi que Meron Rapoport l'a rapporté dans ce journal le 12 septembre) ? Et, par conséquent, ce qu'il y a dans la conscience des Israéliens n'est pas les millions de bombes à fragmentation - c'est à dire, les mines anti-personnel déposées par voie aérienne - ou les dizaines de millions de bombes et d'obus et de projectiles mortels stockés dans nos entrepôts d'armement et nos canons dans les ventres de nos hélicoptères et de nos avions. Bien que la quantité de ce type d'explosifs se mesure en millions de tonnes, ce sont les 20 tonnes d'explosifs et les quelques milliers de fusils [palestiniens] qui imprègnent la conscience israélienne.

Les Israéliens sont convaincus d'être face à un danger existentiel. Mais ce qui a été effacé de la conscience israélienne est qu'Israël est une superpuissance armée et que les armes possédées par cet Etat sont mortelles et effrayantes (c'est la nature-même de telles armes).

Les médias israéliens, bien sûr, coopèrent à cette distorsion de la réalité. Ils rapportent pieusement chaque tir palestinien et chaque roquette lancées par eux - même lorsqu'elles ne causent aucun dégât. Mais les balles et les obus israéliens, qui sont tirés de façon routinière, n'existent pas dans les médias sauf lorsqu'il y a des victimes, et même dans ce cas, ils sont vite oubliés.

L'objectif d'instiller une telle peur aux Israéliens est d'obtenir un soutien continu à la politique d'escalade constante des FDI. L'institution des services de sécurité n'est pas neutre. Ses membres, pas moins que les bureaucrates dans tout autre système, veulent perpétuer les raisons de leur existence et leurs salaires. Ils ont besoin que le public se taise sur l'utilisation libre que les FDI font des armes et des munitions qu'elles placent entre les mains des soldats. Cette intimidation en série est destinée à donner carte blanche aux FDI pendant qu'elles étendent leurs infrastructures opérationnelles, peut-être jusqu'au point de faire usage, aussi, de milliers de bombes à fragmentation à Gaza.

L'institution militaire en Israël est rejointe dans ses idées par l'establishment des décideurs politiques et, en gonflant la menace sur la sécurité des Israéliens, tout en se désengageant complètement de la réalité de l'occupation israélienne, le soutien continu des Israéliens au mythe, selon lequel il y a une "solution" militaire, mais pas de solution politique, est assuré. En retour, cela produit un soutien au régime continu d'occupation et de dépossession et aux privilèges que cela accorde aux Israéliens.

Traduit par [JFG-QuestionsCritiques]

liens
http://questionscritiques.free.fr/edito/haaretz/Amira_Hass/
Israel_superpuissance_militaire_181006.htm

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